La Christianisation de la basse Côte d'Ivoire

At the beginning of the 20th century, the Lower Ivory Coast saw the development of Christian missions and prophetie movements. Was its conversion as real as it appeared ? The obstacles met with in the evange lizing of the Ivory Coast were the same as in other regions of Africa ; only the missionnaires intervened later on and in better conditions, once the old customs were already crumbling. Sent out by the Lyons African missions, they did not belong to any élite, either clerical, intellectual or social. They submitted a christianity free of any compromise with African values and customs — though avoiding a frontal attack on paganism — and educated the faithful to practise their religion and many of their customs (feasts, passage rites, domestic life) under the cover and on the fringe of traditional society. Evangelization first reached the dominated lower strata of society, before attracting whole groups into Harris' wake, as early as 1914. An elite of local Church leaders and a mass of neophytes get a practical experience of their new faith as cathecumens under the remote control of the " Father ". The Ivory Coast Christian is an anxious man, turning to the church for a sense protection within a group and for the future (here below and in the beyond) ; he is unsettled because of the ambiguity of the daily coexistence of his new faith with unforgotten pagan rites. He frees himself through collective celebrating of ritual feasts and practising his religion within a community. The appeal of messianic cuits on those who invest the tokens of Christian salvation with magie powers is a proof of this unrest.Le début du XXe siècle est en basse côte le temps du développement des missions chrétiennes et des mouvements prophétiques. Vraie conversion, ou malentendu ? La Côte d'Ivoire n'offre ni plus ni moins d'obstacles à l'évangélisation que les autres sociétés africaines de la forêt ; mais le missionnaire intervient plus tard, dans une situation plus propice, où l'ébranlement des coutumes se prononce ; envoyé par les Missions africaines de Lyon, il ne fait partie d'aucune élite ecclésiastique, intellectuelle ou sociale. Il présente un christianisme sans compromis avec les valeurs et les coutumes africaines, sans attaquer le paganisme de front, et forme le fidèle à vivre sa religion et beaucoup de conduites (fêtes, rites de passage, vie domestique) à l'abri et en marge de la société traditionnelle. L'évangélisation touche d'abord une infra-société de dominés, avant d'entraîner, dès 1914, des groupes entiers, à la suite de Harris. Une élite de chefs d'églises locales et une masse de néophytes font ensuite l'apprentissage de la foi au travers d'un catéchuménat peu contrôlé par le « Père ». Le chrétien est un homme inquiet qui cherche dans l'église la sécurité d'un groupe et d'un avenir (ici et au-delà) et vit avec angoisse l'ambiguïté de la cohabitation quotidienne de sa foi avec des gestes appris païens ; il s'en délivre dans la célébration collective d'un culte festif et l'échange d'une religion communautaire. Le recours de certains aux prophétismes, qui investissent d'un sens magique les signes du salut chrétien, traduit ce malaise.Bée Michel. La Christianisation de la basse Côte d'Ivoire. In: Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 62, n°229, 4e trimestre 1975. pp. 619-639