La « société homérique » et le don

Gift-giving in the "Homeric society" The gift as defined by Marcel Mauss (the «Maussian gift») is in use in almost every study of the last decades on homeric society as well as, more generally, in studies on Early iron age or archaic Greece or even later periods. The present article confines itself to the Homeric society: apart from some very general anthropological references, it is the homeric poems which define the model of gift-giving put in use in most historical and archaeological studies. This is justified because it is here, in the field of Homeric studies, that gift-giving has been for the first time put in use as a general explicative principle through the work ofM. Finley. It is therefore necessary to go back to Finleys argumentation, to its complexity and to its shortcomings. The efficiency of the concept itself can in this way be questioned. After that we will underline the importance of what does not, in the Homeric society, coincide with gift-giving: this is the exploitation of land, notably through establishing precise statuses for the workforce, and taxation mechanisms. Homeric society appears as a status society where mobilization of workforce and agricultural products are founded on a sometimes brutal domination. Gift-giving is a kind of relationship between aristocrats and, as a general lecture of all social and political relations, completely ideological. Homeric society is not a competitive society based on unstable personal statuses, on the contrary.Le don tel que l'a analysé Marcel Mauss (le Maussian gift) est aujourd'hui omniprésent dans les études sur la société homérique, comme d'ailleurs dans celles qui portent sur la Grèce du début de l'âge du Fer et de l'époque archaïque ou même sur des périodes plus récentes. Cet article se limite à la société homérique : en effet, à part un certain nombre de références anthropologiques très générales, c'est le plus souvent l'ensemble constitué par les poèmes homériques qui fournit le modèle du don utilisé dans les études historiques et archéologiques. C'est aussi dans les études homériques que le don a été érigé pour la première fois en principe explicatif par M. Finley. Il faut donc revenir à l'argumentation de Finley, beaucoup plus complexe et parfois beaucoup plus incomplète qu'il n'y paraît. Cela permet de souligner les insuffisances du concept. On se consacrera ensuite à mettre en valeur ce qui, dans les poèmes homériques, ne peut être réduit au don, et notamment l'exploitation de la terre et les statuts de la main-d'œuvre qui lui sont liés, ainsi que les mécanismes de prélèvement. La société homérique apparaît ainsi comme une société de statuts où fonctionnent des mécanismes de mobilisation de la main-d'œuvre et des produits de la terre fondés sur une domination parfois brutale. Le don y est un mode de relation entre aristocrates et offre parfois une lecture idéologique de l'ensemble des rapports sociaux et politiques. En aucun cas il ne structure une société de compétition, aux statuts personnels instables.Zurbach Julien. La « société homérique » et le don. In: Gaia : revue interdisciplinaire sur la Grèce Archaïque, numéro 13, 2010. pp. 57-79