Les intellectuels cambodgiens face au régime khmer rouge, 1975-1979

With the collapse of the Lon Nol regime in April 1975 and the establishment of the Khmer Rouge regime, Cambodian intellectuals entered an awkward and terrifying adventure. They felt torn apart between an inflexible patriotism and a romantic vision of a Revolution supposed to outmatch all previous revolutionary experiences. Most of the Cambodian intellectuals trained abroad chose to return to their homeland in order to contribute to the rebuilding of a country devastated by war. They were called upon by some of the Cambodian leaders they trusted. They were to discover quickly the realities of a frightening revolution which was, like any other, devouring its children, driven by a tragical and kafkaesque destructive fury. Under the guidance of Ieng Sary, a system of terror was set up where people seemed to escape only to die at the hands of a medieval security apparatus. Hundreds of intellectuals went back to Cambodia between 1975 and 1978. Only a handful survived, either by luck or because they had actively taken part in the system. The majority of Cambodian intellectuals were decimated and some of the leaders responsible for these mass killings still live peaceful lives, and will probably be spared the retribution of a genocide trial which is going to be set up soon in Cambodia.L'avènement du régime khmer rouge en avril 1975 marqua le début d'une aventure étrange et meurtrière pour les intellectuels cambodgiens, écartelés entre un patriotisme intransigeant et une foi romantique dans une révolution qui se voulait transcender toutes les expériences révolutionnaires de l'histoire du socialisme. La majorité des intellectuels formés à l'étranger choisit donc de rentrer au pays apporter leur contribution à la reconstruction d'un Cambodge dévasté par des années de guerre, encouragés par quelques-uns des dirigeants khmers rouges auxquels ils accordaient une grande confiance. Ils devaient découvrir très rapidement et avec horreur la réalité d'une révolution, qui comme ses inspiratrices, dévorait ses enfants dans une rage destructrice tragique et ubuesque. Sous la direction de Ieng Sary, un véritable système concentrationnaire se mit en place d'où l'on n'échappait que pour mourir entre les mains d'un appareil de sécurité moyenâgeux. Sur les centaines d'intellectuels rentrés au Cambodge, une poignée devait survivre par chance ou pour avoir pris une part active au système. L'intelligentsia cambodgienne fut décimée et certains de ses bourreaux, au premier chef Ieng Sary, mènent une existence paisible, épargnés par les projets de jugement des auteurs de l'un des plus grands crimes de génocide du XXe siècle.Vairon Lionel. Les intellectuels cambodgiens face au régime khmer rouge, 1975-1979. In: Aséanie 13, 2004. pp. 47-61