La corporalité selon saint Thomas

The aristotelian definition of the soul as a substantial form or first actuality of the living being implies, within the framework of hylomorphism, that its ontological counterpart is prime matter, whose radical potentiality allows it to be the support of the first actuality. It is this relationship of first actuality to a radical potency that assures the ontological unity of the compositum, but it also implies that all the substantial determinations of the compositum come from its formal principle : the soul. This conception was not kept in its purity by Aristotle's commentators. The influence of neoplatonism and of religious preoccupations reintroduced different forms of anthropological dualism, where the substantiality of the body was assured by the presence in man of at least one substantial form independent from the soul : the form of corporeity. Thomas' effort tends to recuperate the original implications of hylomorphism. His critique of substantial dualism and of pluralism of forms allows him to reaffirm the transcendental relationship existing between substantial form and prime matter. One of the main consequences of this renewed hylomorphism is that corporality, as a substantial determination of the compositum (and not as a quantitative accident) is due to the substantial form, unique principle of actuality at the level of substantial perfection. In man such a principle is the intellective soul. Thus, it is to its soul that the human being owes to be a corporeal substance : corporeitas, prout est forma substantialis, non est aliud quam anima rationalis.La définition aristotélicienne de l'âme comme forme substantielle ou acte premier de la substance vivante implique, dans le cadre de l'hylémorphisme, que son corrélat ontologique est la matière première, dont la potentialité radicale lui permet d'être support de l'acte premier. C'est ce rapport d'acte premier à puissance radicale qui assure au composé son unité foncière, mais il implique aussi que toutes les déterminations substantielles du composé proviennent de son principe formel : l'âme. Cette conception n'a pas été conservée dans sa pureté par les commentateurs d'Aristote. L'influence du néoplatonisme et des préoccupations de nature religieuse ont réintroduit diverses formes de dualisme anthropologique, où la substantialité du corps est assurée par la présence d'au moins une forme substantielle indépendante de l'âme, la forme de corporéité. L'effort de Thomas vise à rendre à l'hylémorphisme sa portée originale. La critique thomiste du dualisme substantiel et du pluralisme de formes permet de récupérer la notion d'une relation transcendantale entre forme substantielle et matière première. Une conséquence fondamentale de ce redressement est que la corporéité, en tant que détermination substantielle (et non pas en tant qu'accident quantitatif) ne peut avoir d'autre source que la forme substantielle, principe unique d'actualité dans l'ordre de la substance. Dans le cas de l'homme ce principe est l'âme intellective. C'est donc à elle que l'être humain doit d'être substance corporelle : corporeitas, prout est forma substantialis, non est aliud quant anima rationalis.Bazán Bernardo Carlos. La corporalité selon saint Thomas. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, tome 81, n°51, 1983. pp. 369-409