L’art de l’infra-ordinaire comme geste du réenchantement

Ce mémoire accompagne les oeuvres de l’exposition Le chant des choses, qui se décline en plusieurs corpus et ensembles d’objets témoignant de mon aventure de recherche-création à la maîtrise. L’exposition est présentée dans les deux salles de l’Espace Séquence du centre Bang de Chicoutimi, du 6 octobre au 5 novembre 2022. Si mes recherches partent du postulat que toute chose même la plus banale puisse être animée, réanimée, et même réenchantée, elles s’attardent surtout à explorer, à démontrer et à partager le pouvoir insoupçonné de ce qui se trouve en trame de fond des aléas infra-ordinaires (relationnels, matériels, rituels) de mon existence. Partant de ma propre expérience, de vie en général et d’artiste en arts visuels spécifiquement, ma maîtrise s’est déroulée sous le signe de l’infra-ordinaire, ce terme, ou mot-valise s’il en est un, qui signifie littéralement « en-dessous de l’ordinaire ». D’une part, en m’investissant dans des terrains connus (sculpture, installation d’objets) et moins connus (vidéo, projection, son) de ma pratique, j’ai cherché à créer un passage, une brèche significative entre mon parcours artistique précédant la maîtrise et le futur de ma pratique, cherchant à diversifier mes approches, à me renouveler, tout en faisant le point sur les dix années de pratique que je compte derrière moi. J’étais intéressée, d’une part, à développer mes aptitudes de recherche et à approfondir théoriquement et conceptuellement les thématiques qui d’ores et déjà m’habitaient ; mais aussi, d’autre part, à comprendre et à assumer la mécanique de ma pratique, qui tendait vers une affirmation méthodologique majeure, intimement liée à la mobilité – la mienne et celle des objets que j’emploie – et à une approche auto-processuelle. C’est à travers le prisme de l’objet et la visée du réenchantement que mon sujet de recherche sur l’infra-ordinaire comme réenchantement en sculpture d’installation s’est esquissé. Les résidences de création auxquelles j’ai pris part durant mon parcours à la maîtrise ont, comme autant de laboratoires de création, grandement stimuler mes recherches. Je me suis intéressée aux approches de l’infra-ordinaire largement déclinées à travers l’oeuvre littéraire de l’écrivain français Georges Perec, ainsi qu’aux écrits doctoraux de Julie Bélisle sur le rassemblement d’objets et la culture matérielle dans l’histoire récente de l’art. Les travaux de Jane Bennett sur l’enchantement ont également éclairé ma recherche et m’ont permis de me positionner sur ma propre vision du réenchantement. Les œuvres des artistes Tania Pérez Córdova, Tom Friedman et Vicky Sabourin ont finalement cadré mes assises esthétiques et m’ont guidé dans l’élaboration et la conceptualisation des oeuvres de l’exposition, laissant présager un renouvellement, un réenchantement de ma pratique artistique