Criblage de molécules modulant le bruit au niveau des cellules uniques : une stratégie non conventionnelle visant à entraver la persistance aux antibiotiques

La tuberculose est une infection respiratoire sévère et transmissible. Elle est causée par Mycobacterium tuberculosis, et touche principalement les poumons mais peut également s'étendre à d'autres organes. En 2019, elle était responsable de 1,4 million de décès dans le monde. Pourtant TB est une maladie curable. Le traitement s'entend sur 6 mois et se compose d'un cocktail de quatre antibiotiques. En général, la longueur du traitement et ces effets secondaires sont associés à un haut niveau de non-observance, qui favorise l'émergence de souches multi- ou extensivement résistantes aux antibiotiques (MDR-TB and XDR-TB). La durée importante du traitement est partiellement imputable à Mtb qui est capable d'endurer de longues chimiothérapies même sans présenter de mutation génétique. Parmi les possibles raisons de la persistance au traitement, les variations non-génétiques entre individus jouent probablement un rôle. En effet, la capacité de population clonal à se diversifier en plusieurs phénotypes distincts, phénomène connu sous le nom d'hétérogénéité phénotypique, a été associé à différentes susceptibilités aux antibiotiques. Cibler cette hétérogénéité phénotypique préexistante afin d'augmenter la susceptibilité aux traitements pourrait représenter une nouvelle stratégie thérapeutique. Basée sur cette approche, nous avons voulu identifier des molécules modulant les variations interindividuelles (MMVi) afin d'augmenter la susceptibilité de la population globale à la moxifloxacine, un antibiotique de la famille des quinolones présentant un intérêt clinique notable pour le traitement des cas de MDR-TB. Les technologies microfluidiques ont joué un rôle important dans les derniers progrès en termes d'imagerie en cellule unique, appelé également single-cell et d'observation de l'hétérogénéité phénotypique. La microfluidique permet le confinement des bactéries dans l'espace et le temps, ce qui offre une amélioration significative du suivi long-terme de cellules uniques. Néanmoins, les systèmes microfluidiques disponibles actuellement pour le suivi de bactéries individuelles sont limités à une ou quelques conditions environnementales par expérience. Dans le but de réaliser le premier criblage de MMVi sur mycobactéries en single-cell, nous devions dépasser cette limitation technique et développer un outil adapté. Ainsi, nous avons créé un nouveau dispositif permettant la culture de bactéries en 2D, sur un seul plan focal afin de les suivre en microscopie fluorescence sur le long-terme. Basé sur cette approche, nous avons développé deux outils distincts. Une première plateforme a été conçu pour le criblage des molécules. Ce système, permettant de tester 32 conditions en parallèle, a été caractérise sur M. smegmatis, le model non pathogénique et à croissance rapide de la TB. Avec cette plateforme, nous avons testé 71 molécules venant de deux librairies de molécules distinctes. En parallèle, nous avons développé un algorithme pour l'analyse des données produites lors du criblage. Via ce criblage, nous avons identifié des candidats impactant l'hétérogénéité phénotypique de population bactérienne. La seconde plateforme permettant de tester cinq conditions en parallèle, a été adapté à la croissance lente de Mtb et aux contraintes d'un laboratoire de confinement P3. Ce dispositif a permis de d'exposer les bactéries à des gradients de concentrations de molécules actives et mesurer leurs effets au niveau single-cell sur ces dernières. En conclusion, dans le cadre de ce projet interdisciplinaire, nous avons développé deux plateformes innovantes permettant l'imagerie long-terme en cellule unique de mycobactérie. Nous avons adapté ces outils pour le criblage de molécules et la caractérisation de la réponse single-cell à un antibiotique. Ces outils et ce type d'approche ouvrent la voie vers de nouvelles stratégies thérapeutiques contre la TB en ciblant la persistance bactérienne et permettant de réduire l'apparition de résistance aux antibiotiques.Tuberculosis (TB) is a transmissible and severe lung infection, caused by Mycobacterium tuberculosis (Mtb), that can also spread to other organs. In 2019, it claimed 1.4 million deaths worldwide. However, TB is a preventable and curable disease. Individuals with active TB, caused by a drug-susceptible Mtb strain, can be successfully treated with a six months multidrug regimen. The length and severe side effects of the chemotherapy are generally associated with high patients non-compliance, resulting in the onset of multi and extensively drug-resistant infections (MDR-TB and XDR-TB). The duration of treatment is partially attributable to Mtb, being able to withstand long-lasting therapy, even in the absence of genetic mutations. This phenomenon is known as drug persistence and can lead to genetic drug resistance. Among the drivers of drug persistence, cell-to-cell phenotypic variation plays a likely role. Indeed, the ability of clonal bacterial cells to diversify into distinct phenotypic variants, also referred to as phenotypic heterogeneity, has been associated with differential drug susceptibilities. Therefore, we hypothesized that targeting preexisting phenotypic heterogeneity can increase drug susceptibility, and become a new therapeutic strategy. To test this approach, we searched for variation-modulating compound(s) (VMCs) to reduce mycobacterial phenotypic heterogeneity and to increase the whole-population susceptibility to moxifloxacin, a drug of high clinical relevance. To this aim, we took advantage of microfluidics technology that played a crucial role in the latest advancements of single-cell imaging and the investigation of phenotypic heterogeneity. Microfluidic devices allow the confinement of bacterial cells in space and time, improving significantly long-term single-cell tracking. Nevertheless, the microfluidic systems currently available to monitor single bacterial cells and compatible with small, slow-growing pathogens, like Mtb, remain limited for multiplexing. Aiming to carry out the first single-cell screening for VMCs in mycobacteria, we had to overcome this technical limitation. We conceived an original microfluidic culture chamber to trap single bacteria, grow them in a 2D monolayer, and monitor them by time-lapse fluorescence microscopy. Importantly, our device is covered by an international patent application. The main advantage of our microfluidic culture chamber is that its fundamental unit can multiplexed. Based on its original design, we constructed two different platforms. The first platform was developed to carry out the VMCs screening and to test up to 32 molecules simultaneously. Using this platform, we screened 71 compounds, originated from two chemical libraries, on the non-pathogenic TB model Mycobacterium smegmatis. In parallel, we developed a semi-automated image analysis pipeline, to process the screening-derived datasets in collaboration with the Institut Pasteur Bioinformatics and Biostatistics Hub. This screening allowed us to identify four compounds that target bacterial phenotypic heterogeneity, and that are being subject of further molecular and functional characterization. The second platform allowed us to simultaneously test five concentrations of a single molecule. With this device, we investigated the effect of shortlisted molecules at the single-cell and -microcolony level. Importantly, we were also able to validate the operation of this platform with Mtb inside Biosafety Level 3 (BSL3) laboratory. In conclusion, we developed two original microfluidic platforms, suitable for long-term imaging of single bacterial cells. We created multi-condition time-lapse imaging devices for a clinically-relevant pathogen at the single-cell and microcolony level. Lastly, we provided the first proof of concept of a new drug-targeting strategy against Mtb, aimed at accelerating TB therapy, hampering the survival of drug-persistent bacilli and prevent the onset of drug resistance