Soldat ? Jamais ! Un libelle pour une méthode et un combat

International audienceCe petit livre est bien plus qu'un simple témoignage édifiant. Gérard Leretour a voulu donner à son geste des qualités à la fois démonstrative, par son exemple, et performative, en indiquant une méthode didactique, une « recette » militante. Son insoumission spéciale, innovante, est décrite comme l'illustration pratique d'une « modalité d'action ». Cette dernière a pour fin de faire pression en poussant le gouvernement à une attitude intenable publiquement, en communion avec une opinion populaire favorable et protégé, selon ses mots, par « l'opinion pacifiste internationale », afin d'utiliser son propre cas comme un précédent devant faire jurisprudence. Il appelle enfin à ce qu'un mouvement collectif émerge, en imitation. Son propos est destiné tant aux jeunes gens bientôt appelés à effectuer un service militaire dont ils contestent la légitimité et refusent les fins, qu'aux pacifistes intégraux qui souhaitent enrayer les logiques du militarisme conduisant inexorablement à la guerre. Sa définition originale de l'insoumission, publique et médiatique, revendiquée comme une objection de conscience militante et laïque, tranche singulièrement avec les précédentes résistances individuelles carcérales à l'institution militaire. Il a, en réalité, synthétisé et systématisé plusieurs combats antérieurs dont ceux, précurseurs, des anarchistes Raymond Guillot et Pierre Perrin, mais également de religieux, ou encore Jean Bernamont, normalien dont la réforme pour « inaptitude morale » fut obtenue après une grève de la faim en 1928. Syncrétique dans ses inspirations, inclassable et non dogmatique, Gérard Leretour est avant tout un pragmatique, un empirique, c'est-à-dire un militant. Il sait trouver des tribunes, que ce soit via un procès ou par la presse, monter ou insuffler des collectifs et jouer du sentiment d'indignation. Il sait préparer son action et la placer dans un espace favorable et spectaculaire. Il systématise son exemple par une méthode, un protocole dans lequel on voit distinctement l'influence d'un certain pacifisme « planiste », prolixe producteur de divers « plans contre la guerre ». Le plus fameux, celui du hollandais Barthelemy de Ligt, intitulé Plan de Mobilisation contre la Guerre, est publié l'année suivant, Leretour en sera naturellement un de ses plus fervents promoteurs en France. Tandis qu'il rédige son opuscule, Gérard Leretour parcours la France et la Belgique, et regroupe autour de lui un petit groupe de jeunes militants. Une fois terminé, autoproduit, le livre est publié en octobre 1933, juste avant le retour de son auteur en prison, un fait nullement laissé au hasard. Il est loin d'être évident que l'initiative de Gérard Leretour ait immédiatement fait des émules, mais il a nécessairement imprégné les actions d'autres insoumis. En 1933, ces derniers sont moins isolés, plus visibles et certains, minoritaires, ont également préparé leur action sur le terrain politique et médiatique. Cette année-là, les « affaires » d'objecteurs de conscience sont nombreuses