L’onction des fiancées comme rite matrimonial entre séparation et agrégation d’après les textes sémitiques du Proche-Orient de l’Âge du Bronze Récent (XIVe-XIIe siècles avant notre ère)

International audienceAu Proche-Orient ancien, les rites de passage entre deux statuts ou groupes sociaux, dont les rites d’agrégation ou d’exclusion, peuvent recourir à des types d’actes variés à forte charge symbolique. La pratique ritualisée de l’onction, abondamment attestée, en est un excellent exemple. Nous nous pencherons sur le cas révélateur des fiancées, dont la tête est ointe lors de cérémonies dans le cadre de mariages interdynastiques entre les royaumes de l’Âge du Bronze Récent, du XIV^e^ au XII^e^ siècle avant notre ère. Cet acte d’onction fait passer la fiancée d’un foyer à l’autre. Ainsi, nous nous demanderons en quoi le rite d’onction de la fiancée entérine la séparation de celle-ci de son foyer paternel et symbolise son intégration à son nouveau foyer conjugal. Nous étudierons de manière comparée différentes sources textuelles en langues sémitiques, en l’occurrence akkadienne et ougaritique, témoignant de cette pratique. Celles-ci proviennent de plusieurs corpus : la correspondance internationale d’El-Amarna, les lettres diplomatiques entre l’empire hittite et l’Égypte, les textes du royaume nord-syrien d’Ougarit, et les lois médio-assyriennes. La fiancée de sang royal est un moyen pour son père de s’allier politiquement à un roi étranger, son égal, qui devient ainsi son gendre et lui procure des ressources. L’acte d’onction, toujours exprimé par la formule « verser de l’huile sur la tête » de la fiancée, est effectué par un représentant accrédité du fiancé, qui ne le fait jamais lui-même. Cette onction représente l’étape la plus signifiante de la phase finale de cette procédure rituelle. L’union ne peut être rompue ensuite comme l’indique la loi médio-assyrienne (§42). Ce rite scelle véritablement les fiançailles et le départ de la fiancée vers le foyer conjugal, ce qui aboutit à une alliance matrimoniale et à l’union fraternelle des deux familles, comme l’explicite la lettre CTH 160 de la reine hittite Puduheba au pharaon Ramsès II : « ce jour-là les deux pays devinrent un et vous deux Grands Rois unis en une même fraternité ». Nous décrirons et expliquerons donc les modalités de cet acte et le rôle de ses acteurs, afin de montrer que l’onction constitue un rite liminaire agrégatif pour la fiancée