Une histoire de la mixité dans les politiques d'urbanisme et d'aménagement français : de la philanthropie hygiéniste aux utopies modernes, l’imposition progressive d’une mixité « comme impératifs des politiques de la ville et du logement »

L’idée, selon laquelle la cohabitation harmonieuse de tous les groupes sociaux participerait de la constitution d’une société et d’un modèle urbain idéal, semble s’inscrire sur un temps particulièrement long (des socialistes d’avant-garde comme R. Owen, E. Cabet ou C. Fourrier jusqu’à T. More, De Vinci ou Platon). Ainsi, et avant même de ne trouver une expression juridique et technique véritable (politique de la ville, loi LOV), la question de la mixité urbaine semble rapidement s’être imposer au débat sociétal d’un aménagement éclairé de la chose urbaine.Si le discours politique actuellement dominant fait de la mixité un outil capable de resserrer le lien social, d’aider au « vivre-ensemble » ou de lutter contre la ségrégation, la notion semble appeler à une liberté d’interprétation et d’appropriation quasi-infini tant elle renvoie à de grandes idées, aussi généreuses qu’abstraites (G. FAUCONNIER, 2020). Le caractère historique et évolutif de la notion semble par ailleurs participer du déploiement d’un lexique particulièrement étoffé autour la notion et de ses enjeux (diversité sociale, métissage social, vivre-ensemble, cohésion sociale, etc.), ce qui participe aujourd’hui indéniablement à rendre sa définition et son appréhension toujours plus difficile par les décideurs et les acteurs du territoire.Finalement, alors qu’une multitude de travaux font s’élever les voix de chercheurs et de théoriciens de l’urbain alertant sur la question, le discours d’évidence tenu atour d’une proximité spatiale vecteur de rapproche social, commencent à être réinterroger. La mixité programmatique, sur laquelle les projets de renouvellement urbain comme l’OIN Euroméditerranée à Marseille reposent leurs exigences chiffrées en matière de mixité, ne semble que difficilement garantir l’installation d’une mixité de fait au sein des quartiers. De l’espoir d’une cohabitation vertueuse, ne se constate finalement qu’une coprésence, parfois symboliquement violente, entre des populations mixtes, aux usages et pratiques parfois contradictoires