Régulation de la migration épithéliale par les adhésions cellulaires : rôles de la vinculine

La migration cellulaire est essentielle à la morphogenèse et à la cicatrisation des organismes multicellulaires, et participe aux métastases des cancers. Dans les épithéliums, la migration cellulaire peut se produire collectivement : les contacts intercellulaires coordonnent les vitesses des cellules. On ignore toutefois si ceci permet une exploration plus efficace de l'espace.Les cellules migrantes se propulsent en exerçant les forces du cytosquelette sur la matrice extracellulaire par les adhésions focales (AF). Les jonctions adhérentes (JA) transmettent les forces entre cellules. La façon dont les deux se combinent pour diriger le mouvement cellulaire est encore mal comprise. Pour y répondre, j'ai étudié les rôles de la vinculine dans les cellules épithéliales MDCK dans trois contextes : migration de cellules isolées, migration cellulaire collective (MCC) non biaisée dans une monocouche confluente, et MCC biaisée d'une monocouche après blessure. En effet, la vinculine est une protéine mécanosensible liant le cytosquelette dans les deux complexes d'adhésion. Pour évaluer son état mécanique et ses fonctions, j'ai utilisé un senseur de tension moléculaire de la vinculine et la mutagenèse pour altérer sélectivement ses propriétés : sa liaison aux fibres d'actine, son auto-inhibition par interaction tête-queue, et sa capacité d'organisation de l'actine. D'abord, j'ai montré que des cellules isolées migraient selon une marche aléatoire persistante, dont la vitesse mais pas la persistance était considérablement affectée par les mutations de la vinculine. La transmission de force par la vinculine dans les AF est principalement empêchée par son interaction tête-queue mais n'explique pas la vitesse de migration. La stabilité de la vinculine au niveau des AF est aussi contrariée par son interaction tête-queue, mais favorisée par la liaison de sa queue à l'actine. Enfin, l'intégrité de la connexion AF-cytosquelette par la vinculine explique la vitesse de migration alors que la stabilité de la vinculine dans les AF explique la persistance de leur migration. Deuxièmement, j'ai montré qu'à confluence, la migration devient superdiffusive et résulte d'une marche brownienne fractionnelle. Cette persistance nécessite l'intégrité des connexions JA-cytosquelette, comme la coordination des vitesses entre cellules. Alors que les mutants de la vinculine affectent toujours principalement la vitesse des cellules plutôt que leur persistance, leur tension prédit maintenant la vitesse des cellules à confluence, une propriété émergente qui révèle un rôle non cellule-autonome de la vinculine. En accord, les mutants d'organisation de l'actine de la vinculine affectent la transmission de force exclusivement aux JA, en raison d'une stabilité moindre de la vinculine plutôt que d'un changement d'organisation de l'actine. Dans l'ensemble, mes résultats soutiennent que les JA permettent aux cellules à confluence d'explorer des zones plus larges que si les cellules étaient seules, et la dynamique de la connexion des JA au cytosquelette favorise la vitesse des cellules.Troisièmement, j'ai évalué l'impact d'un biais de direction de la migration collective par un test de blessure. J'ai montré que la vitesse des cellules à confluence prédit la vitesse de fermeture de blessure, et que la marche des cellules reste superdiffusive avec un biais directionnel n'apparaissant qu'à des échelles de temps longues. Le biais de migration est accompagné de gradients de tension et de recrutement de vinculine à la fois au niveau des AF et des JA entre le bord et l'intérieur de la monocouche qui reposent sur une queue de la vinculine intacte au niveau des JA et sur l'interaction tête-queue dans les AF. En conclusion, la vinculine fonctionne différemment aux AF et aux JA, ce qui révèle comment l'exploration spatiale des cellules en migration collective résulte des contributions antagonistes de l'intégrité et de la stabilité des JA sur la vitesse et la persistance des cellules.In multicellular organisms, cell migration is essential to morphogenesis and wound healing and can participate in the metastasis of cancers. In epithelia, cell migration can occur collectively, a process whereby intercellular contacts coordinate cell velocities between neighbours. Whether this coordination results in more efficient space exploration is however unknown, despite its broad implications. Migrating cells propel themselves by exerting cytoskeleton-generated forces on the extracellular matrix through Focal Adhesions (FAs). In addition, intercellular adhesion complexes such as the Adherens junctions (AJs) transmit forces between cells. How the cells' intrinsic capacities and interactions combine into directing cell motion is still poorly understood. To address this, I investigated the roles of the adhesion protein vinculin in three contexts using MDCK cells as a model: single cell migration, non-biased collective cell migration (CCM) in a confluent epithelial monolayer, and biased CCM of a monolayer via scratch assay. Indeed, vinculin is a mechanosensitive linker to the cytoskeleton present in both adhesion complexes. To evaluate its mechanical state and its roles in cell migration, I combined the use of a molecular tension sensor of vinculin and mutagenesis to selectively impair vinculin's properties alone or in combination: F-actin binding, autoinhibition by head-tail interaction, and actin-bundling by phosphorylation. First, I showed that single cells expressing either full-length vinculin or mutants migrated according to a persistent random walk, whose speed but not persistence was substantially affected by mutations of vinculin. The magnitude of force transmission through vinculin at FAs is mainly opposed by its head-tail interaction but does not suffice to explain single cell migration speed. The stability of vinculin at FAs is opposed by its head-tail interaction too but also favoured by its actin-bundling tail. Finally, proper connection between FAs and the cytoskeleton through vinculin explains cell migration speed while vinculin stability cell migration persistence. Second, I showed that at confluence cell migration becomes superdiffusive, as a result from a fractional Brownian walk. This persistence requires intact AJs-cytoskeleton connections, as coordination of migration between cells. While vinculin mutants still mainly affect cell speed rather than persistence, their tension now predicts cell speed at confluence, an emergent property that reveals a non-cell autonomous role for vinculin in migration. In line with this, actin-bundling mutants affect force transmission exclusively at AJs, as a result of lower vinculin stability rather than a change in actin bundling or recruitment. Altogether, my results are consistent with a model by which AJs allow cells at confluence to explore wider areas than if cell were alone, and increasing the dynamics of the AJ connection to the cytoskeleton promotes cell speed. Third, I assessed how biasing collective migration via wound scratch assay affected this behaviour. I showed that cell speed at confluence predicts wound healing speed, and cell walks remain superdiffusive with a directional bias only appearing at long time scales and a fat-tailed step length distribution. Moreover, biased CCM is accompanied by tension and recruitment gradients of vinculin at both FAs and AJs between the edge of the collective and its back that rely on vinculin actin-bundling tail at AJs and on head-tail interaction in FAs. In conclusion, I showed that vinculin functions differently at FAs and AJs, which revealed how AJs the width of space exploration in collective epithelial migration results from antagonistic contributions of AJ integrity and stability on cell speed and persistence