Voir et pouvoir : apports et limites du concept de surveillance pour la théorie sociale

The theme of « surveillance society » emerged in the public and academic sphere during the last third of the XXth century in reaction to the deployment of vast devices of police, administrative and commercial surveillance. The considerable amount of empirical results produced within the field of surveillance studies reveals the magnitude of these practices. However, their meaning remains problematic : should it lead us to think the general category of power anew ? Or does the notion of surveillance society actually refer to a historical transformation of the very structure of contemporary societies ? This dissertation attempts to reopen the dialogue between social sciences and theory of society in order to discuss the various paradigms through which surveillance phenomena are studied, and shed light on both their descriptive and normative presuppositions, as well as on the critical perspectives each can open.The analysis in terms of privacy rights fosters a liberal conceptual framework which is interesting on a practical level but also too narrow to grasp the now structural dimensions of surveillance and its technological characteristics. However, surveillance has not always been thought from the standpoint of privacy. By following the thread of non liberal theories of power, we can develop four other theoretical models : 1) censorial surveillance, on the threshold of european modernity ; 2) panoptic technology ; 3) populational surveillance, whose achievement can be seen in digital surveillance ; and finally 4) surveillance capitalism, which must be understood as a technological type of integration of contemporary capitalism’s contradictions.Le thème de la « société de surveillance » a émergé dans l’espace public et académique dans le dernier tiers du XXème siècle, en réaction au déploiement de vastes dispositifs de surveillance, policiers, administratifs ou commerciaux. La somme considérable de résultats empiriques produite par le champ des études de la surveillance révèle l’ampleur des ces pratiques, mais leur sens pose problème : ces travaux doivent-ils nous amener à repenser à nouveaux frais la catégorie de pouvoir en général ? Ou bien la notion de société de surveillance désigne-t-elle une transformation historique de la structure des sociétés contemporaines ? Nous proposons de faire dialoguer sciences sociales et théorie de la société pour discuter les différents paradigmes à travers lesquels sont étudiés les phénomènes de surveillance, éclairer leurs présupposés descriptifs et normatifs et les perspectives critiques ouvertes par chacun.Il apparaît que l’analyse en termes de droit à la vie privée charrie une conceptualité libérale intéressante sur le plan pratique mais trop limitée pour appréhender la dimension structurelle de la surveillance contemporaine et ses spécificités technologiques. Cependant, la surveillance n’a pas toujours été pensée sous l’angle de la vie privée, et en suivant le fil des conceptions non libérales du pouvoir, nous pouvons faire apparaître quatre autres paradigmes théoriques : celui de la surveillance censoriale, à l’aube de la modernité européenne, celui des techniques panoptique, celui de la surveillance populationnelle, dont la surveillance numérique actuelle est l’achèvement, et enfin celui du capitalisme de surveillance, qui doit être compris comme un mode technique d’intégration des contradiction du capitalisme contemporain