Patrons d'éclosion et de survie larvaire du lançon (Ammodytes spp.) dans un fjord de la côte sud-ouest du Groenland (Nuup Kangerlua)

RÉSUMÉ : Dans les écosystèmes marins de l'hémisphère nord, le lançon (Ammodytes spp.) occupe un rôle clé en tant qu'espèce fourragère. Il est consommé par une panoplie d'espèces de prédateurs et les fluctuations de son abondance peuvent affecter grandement les espèces qui s'en nourrissent. L'étude de l'écologie larvaire du lançon est essentielle pour comprendre les dynamiques affectant son recrutement, la survie des jeunes stades de vie étant déterminante du recrutement chez les poissons. Dans le fjord Nuup Kangerlua, au sud-ouest du Groenland, des résultats préliminaires indiquent que des larves sont présentes dans la colonne d'eau durant plusieurs mois, de l'hiver au printemps. Durant cette période, les conditions environnementales comme la disponibilité en nourriture peuvent grandement varier. Cette étude vise à décrire pour la première fois une saison d'éclosion complète de larves de lançon dans cette région et à définir comment la disponibilité en nourriture affecte la survie larvaire. Les larves ont été échantillonnées de janvier à juin 2018 de manière hebdomadaire et les otolithes ont été extraits afin de déterminer l'âge et la date d'éclosion de chaque individu. Les patrons de survie larvaire ont été comparés aux données d'abondance de zooplancton de la région et les données historiques d'abondance de zooplancton de 2006 à 2018 ont été utilisées pour connaitre la variabilité interannuelle. En 2018, la saison d'éclosion s'est déroulée sur 5 mois, de février à juin. Avant le 16 mai, aucune larve âgée de plus de 18 jours n'a été pêchée, et les proies de prédilection des jeunes larves (oeufs et nauplii de copépodes) ont été observées pour la première fois le 24 mai. L'abondance et la phénologie des proies des larves varient interannuellement. Nous expliquons la saison d'éclosion prolongée par la température froide du milieu, la durée d'éclosion étant corrélée à la température chez le lançon. Aussi, étant donné la grande variabilité interannuelle chez les proies, nous suggérons qu'une saison d'éclosion prolongée puisse refléter une stratégie permettant de minimiser l'asynchronie potentielle entre l'éclosion des larves et la disponibilité de leurs proies, ce qui diminue le risque d'un échec du recrutement. Pour des espèces à courte longévité comme le lançon, ce genre de stratégie peut contribuer à maintenir la santé d'une population. -- Mot(s) clé(s) en français : Ammodytes, larves, éclosion, otolithes, Groenland, Match-mismatch. -- ABSTRACT : In the marine ecosystems of the northern hemisphere, sand lance (Ammodytes spp.) plays a key role as a forage species. It is consumed by a variety of predators and fluctuations in its abundance can greatly affect its predator's populations. Studying the larval stage of sand lance is essential to understand recruitment dynamics, since the survival of the early life stages affects the recruitment rate. In the Nuup Kangerlua fjord in South-west Greenland, preliminary results indicate that larvae are present in the water column for several months, from winter to spring. During this period, environmental conditions, such as prey availability, can vary greatly. The goals of this study are to describe for the first time a complete hatching season of sand lance larvae in this region and to define how prey availability affects larval survival. Larvae were sampled weekly from January to June 2018 and otoliths were extracted to determine the age and the hatch date of each individual. Larval survival patterns were compared to zooplankton abundance data from the region. Historical data of zooplankton abondance from 2006 to 2018 was used to study interannual variability. In 2018, the hatching season took place over 5 months, from February to June. Prior to May 16, no larvae over 18 days of age were caught, and the preferred prey for young larvae (copepod eggs and nauplii) were observed for the first time on May 24. There is interannual variability in timing and abundance of larval sand lance prey. We explain the extremely protracted season by the cold temperature of the area, the length of the hatching season being correlated with temperature for sand lance. Given the great interannual variability in timing and abundance of prey, we propose the hypothesis that a protracted hatching season reflects the strategy to minimize a potential asynchrony between the hatching of the larvae and the availability of their prey, which would decrease the risk of a complete recruitment failure. Fort short-lived species like the sand lance, such a strategy could help maintain the health of the population. -- Mot(s) clé(s) en anglais : Ammodytes, larvae, hatching, otoliths, Greenland, Match-mismatch