Une revue tournée vers l'Allemagne (1945-1949)

editorial reviewedLa première période de vie des Temps Modernes, comprise entre sa création en octobre 1945 chez Gallimard et sa reprise par Julliard en janvier 1949, est marquée par une attention constante à la culture, à la philosophie et à la situation politique allemandes. Stève Bessac-Vaure a bien mis en lumière ce triple intérêt, dans un contexte imprégné du lieu commun d’une adversité héréditaire . Évidemment déterminée par le moment historique de l’immédiat après-guerre (le projet originel des Temps Modernes remonte à la Libération ), la revue souhaite se situer par rapport à la tradition philosophique allemande et à la difficulté, voire à l’impossibilité, d’en hériter. Le moment 1945-1949 est structuré, ab quo, par la fin de la Seconde Guerre mondiale et le début de l’occupation du territoire allemand et, ad quem, par la constitution des deux Allemagne – avec la signature de la Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland en mai 1949 et la Constitution de la République démocratique allemande en octobre 1949. Enfin, ce moment est délimité ad quem, au sein de la revue, par un double numéro paru en août-septembre 1949, qui vient donner une voix à une pluralité d’acteurs de la résistance ou du communisme allemand et à des spécialistes français des questions franco-allemandes . Il n’est ici question ni de nier la constance d’un intérêt pour les questions allemandes tout au long de la vie de la revue, ni de postuler l’unicité de la période d’immédiat après-guerre, mais d’interroger la particularité historique et politique de la période 1945-1949 en regard des thématiques abordées par les différents contributeurs. Le propos est structuré en cinq temps qui retracent les différents axes philosophiques du dialogue franco-allemand dans les Temps Modernes, revue dont le projet relève d’une synthèse anthropologique d’influences philosophiques et culturelles hétérogènes. L’interrelation de ces cinq axes tient au projet de la revue, qui développe conjointement un intérêt pour la tradition philosophique allemande et son exégèse (principalement Marx, Hegel, Husserl et Heidegger), pour sa continuation et sa critique contemporaines (les théories critiques benjaminienne, adornienne et lukáscienne), pour les études de cas et analyses empiriques (les vies, témoignages et analyses sociopolitiques à propos de l’Allemagne) et, enfin, pour l’affirmation d’une philosophie existentialiste ayant intégré la nécessité d’une politique de l’action intellectuelle collective