Être français dans le Banat du XVIIIe siècle

National audienceL’histoire des Banatais de la Roque-sur-Pernes a fait couler beaucoup d’encre depuis leur arrivée dans le Vaucluse au cours des années 1950. Nous connaissons bien, aujourd’hui, le parcours de ce petit groupe amené à fuir l’Europe centrale et à rallier la France d’après-guerre. Il en est de même des circonstances politiques qui ont conduit un certain nombre d’habitants du Banat roumain et yougoslave à revendiquer des origines françaises dans la première moitié du xxe siècle. Nous restons cependant encore prisonniers d’un récit mythifié des origines de cette population, quand il s’agit de remonter jusqu’au xviiie siècle. Les colons lorrains, alsaciens et luxembourgeois, recrutés par des agents de l’empereur pour peupler les confins orientaux de la Monarchie habsbourgeoise, peuvent-ils vraiment être qualifiés de « Français » ? Bien que certains d’entre eux soient originaires de territoires placés – très récemment – sous la souveraineté du roi de France, tous sont considérés comme des sujets impériaux. Seule la pratique de la langue française par une partie de ces migrants justifie parfois leur identification en tant que « Français ». Une telle manifestation de l’ethnicité reste toutefois limitée à quelques cas bien précis : l’écriture de suppliques et le choix d’un prêtre maîtrisant la langue des fidèles dans les paroisses francophones. De ce fait, toute tentative visant à estimer le poids démographique des « Français » dans cette société d’Ancien Régime est vouée à l’échec. Notre obsession pour le comptage ethnique n’est pas partagée par les contemporains, y compris par les promoteurs des outils statistiques. Les conditions d’accueil et les stéréotypes diffusés à l’époque ne distinguent finalement en rien les colons français du Banat des autres colons venus du Saint-Empire au xviiie siècle. Ils partagent pour cette raison la même histoire politique au siècle suivant, celui de l’émergence du nationalisme des « Souabes du Danube »