Phénoménologie de la pratique: Essai pour introduire la causalité efficiente en phénoménologie

My PHD is named "Phenomenology of practice : An attempt to introduce causality in phenomenology "Mon travail de doctorat s’intitule : « Phénoménologie de la pratique : Essai pour introduire la causalité efficiente en phénoménologie », et se constitue comme une tentative pour appliquer la méthode phénoménologique, méthode consistant à « provoquer à la phénoménalité de nouveaux champs d’investigation, pour y installer à demeure des phénomènes qu’aucun œil n’avait jusqu’alors constitués, ni donc vus » (Marion, 2015), à une dimension de l’existence humaine qui y semblait jusque là réfractaire : l’agir concret, entendu comme le procès par lequel un agent « fait quelque chose de quelque chose » (Sartre, 1943), c’est-à-dire transforme le monde au sein duquel il se situe. L’hypothèse principale guidant cette thèse est que la phénoménologie, dans sa constitution historique, est demeurée dépendante d’un préjugé intellectualiste, celui de la non-appartenance de l’ego au monde, comme l’a bien montré Michel Henry lorsqu’il thématisait « la distance phénoménologique » (Henry, 1963), et que c’est ce présupposé d’extranéité de la subjectivité qui a empêché la phénoménologie d’accéder au « phénomène de l’action » (Henry, 2004). Comment, en effet, un sujet qui n’est par définition pas du monde, pas « une parcelle de monde » comme l’a dit Husserl, pourrait-il lui-même agir sur le monde et, davantage, décrire ce qui apparaît au sein même de cet agir afin d’en dégager les structures essentielles ? Dans cette perspective, nous nous proposons d’effectuer une critique des tentatives phénoménologiques de description de l’agir (Ricoeur, Sartre, Merleau-Ponty, mais aussi Tran Duc Thao, Jean-Toussaint Desanti, Reiner Schürmann) qui ne se sont pas départies de ce préjugé, afin d’en tenter une nouvelle description. Cette description d’un agir vu depuis la perspective d’un sujet appartenant au monde nous donnera accès à un nouveau concept d’agir, que nous nommons « pratique », sens qui rejoint un certain usage commun du terme (la pratique d’un instrument, d’un sport, etc.). Nous tenterons de dégager cette perspective renouvelée sur l’agir depuis les travaux de phénoménologues moins connus, qu’ils soient rentrés dans la tradition ou non : Jan Patočka, Michel Henry, Renaud Barbaras, Mikel Dufrenne, mais aussi Claudia Serban ou Grégori Jean, ainsi que depuis des travaux non directement phénoménologiques s’intéressant à la question de l’agir situé et incarné (principalement des descriptions du travail artisanal ou artistique : Sennett, Crawford, Pareyson etc.). Enfin, cette description renouvelée de l’agir fondé sur l’appartenance radicale du sujet au monde nous permettra de tirer des conséquences importantes pour notre approche contemporaine de la corporéité : le corps ne pouvant plus être pensé simplement comme « le véhicule de l’être-au-monde » (Merleau-Ponty, 1947), ou comme « l’existential de l’effectivité du comprendre »(Barbaras, 2011), mais comme ce comprendre lui-même, comme cet être-au-monde lui-même. La corporéité subjective n’est donc plus à penser comme ce qui incarnerait un sujet non corporel, mais comme sa subjectivité même : le corps n’est plus situation ou ressource, il est source de l’existence elle-même