Composer avec les morts. Les fonctions du spectre sur la scène européenne (XVIe–XVIIIe siècles)

Même s’il a connu des hauts et des bas, le succès des spectres sur les scènes européennes ne s’est pas démenti, du XVIe au XVIIIe siècle, alors même que la démonologie sortait peu à peu de la sphère des savoirs légitimes. En explorant surtout un corpus français, italien et anglais (et occasionnellement allemand et espagnol), l’article se penche sur les principales fonctions que le spectre remplissait au théâtre : signe tragique, marqueur dramaturgique, opérateur spectaculaire, instrument cathartique, opérateur démonologique, truchement politique. Le personnage apparaît comme un véritable fonctionnaire aristotélicien, capable de remplir toutes les missions que les théoriciens prescrivaient à la tragédie. C’est dans cette extrême polyvalence que l’on peut trouver quelques explications de son étonnant succès.Even if it has known its ups and downs, the success of ghosts in European drama has remained constant between the 16th and 18th centuries, even as demonology gradually moved out of the area of legitimate scholarship. Exploring a corpus of mainly French, Italian and English plays, with occasional references to German and Spanish drama, this article considers the principal functions of the stage ghost: a tragic sign, a dramaturgic marker, a spectacular operator, a cathartic instrument, a demonological operator, a political trick. The ghost emerges as a servant of Aristotelianism, able to fill all the duties that theoreticians ascribed to tragedy. This wide-ranging versatility provides some keys to the ghost’s astonishing success on stage