Penser l'amélioration animale au XVII<sup>e</sup> siècle : les brochures de Gabriel Calloet-Kerbrat

Gabriel Calloet-Kerbrat fait partie de ces auteurs souvent cités comme « précurseurs » dans leur domaine, mais dont la pensée est souvent réduite à cette seule place anecdotique dans le discours historique. Par trois simples brochures consacrées à l\u27amélioration du bétail, il a posé les bases de la pensée zootechnique de l\u27école agronomique francophone. Malgré la brièveté de l\u27exposé, sa méthode a pu être qualifiée par J.-A. Bourde de système agraire complet. Une culture nourrie de textes classiques et bibliques, de références médicales et du goût de l\u27expérimentation pratique, la recherche d\u27un remède à la pauvreté forme la base de réflexion de ce probable protestant, qui sera plus tard l\u27ardent propagateur d\u27un catholicisme d\u27inspiration franciscaine. Dans ces pages abondamment copiées ou reprises au siècle suivant, il expose non seulement les procédés qu\u27il recommande pour améliorer le bétail (bovins, ovins, caprins) et les équidés, mais livre aussi son avis sur les contradictions qui lui sont couramment opposées. Précieuses indications, car les arguments à l\u27encontre de l\u27amélioration éclairent les résistances idéologiques à la zootechnie : la double impossibilité de penser l\u27animal autrement que comme être naturel, partie d\u27un environnement, et de penser l\u27amélioration de l\u27animal de manière distincte de celle de l\u27homme, constituent les principaux freins au développement de la zootechnie. Entrant en contradiction avec les fondements idéologiques de la hiérarchie sociale, l\u27amélioration se révèle alors comme part d\u27un ordre biopolitique qui se pose comme un ordre naturel. Indirectement, les contradictions soulevées par Calloet-Kerbrat donnent à penser sur l\u27échec de la politique colbertienne en matière de zootechnie.Gabriel Calloet-Kerbrat is one of those authors frequently cited as "precursors" in their particular field, but whose ideas are often accorded little more than anecdotal value in historical discourse. In three simple pamphlets devoted to the improvement of livestock, Calloet-Kerbrat set down the basis of the whole of zootechnical theory as embraced by the francophone school of agronomy. In spite of its succinctness, Calloet-Kerbrat\u27s method was characterized by J.-A. Bourle as representing a complete agronomic system. In an intellectual culture nourished by biblical and classical texts, medical publications and practical experimentation, the quest for a solution for poverty was a fundamental concern of Calloet-Kerbrat, who was probably protestant at the time but later became an ardent propagator of a Franciscan-inspired catholicism. In his texts, widely copied or reprinted in the following century, he not only lays out the recommended procedures for the improvement of livestock (cattle, sheep, goats) and horses but also delivers his opinions on the opposing views that were currently ranged against him. These are valuable texts, since the opinions expressed against improvement shed light on the ideological arguments that were raised against human improvement of animal breeds. The difficulties of reconciling a conception of animals as natural beings, forming part of an integrated environment, with the view that the improvement of animals could be considered in a manner distinct from the social immobility which characterized human society, constituted the principal obstacle to the development of husbandry. In contradiction to the ideological foundations of social hierarchy, improvement was presented as part of a biopolitical order that passed itself off as a natural order. Indirectly, the contradictions raised by Calloet-Kerbrat held significant implications for the failure of progress in the matter of animal improvement under Colbert.