Dans les profondeurs de la mer bleue : un nouveau bivalve des bois coulés (Mollusca, Pholadidae, <i>Xylophaga</i>) de la plaine abyssale du cap Vert (Atlantique subtropical)

Les bivalves Xylophaga Turton, 1822 sont des foreurs de bois ou d’autres végétaux coulés au fond des océans. Ils ingèrent le bois et le digèrent grâce à des bactéries. Leur dépendance étant complète à l’égard des restes végétaux et la disponibilité des végétaux terrestres décroissant avec la distance des terres émergées, on peut imaginer que le groupe est rare dans les plaines abyssales, comme la disponibilité des végétaux terrestres décroît avec la distance des continents. Le déploiement d’un petit bloc de bois immergé sur un mouillage à 4626 m de profondeur dans la plaine abyssale du cap Vert, à plus de 1600 km à l’ouest de l’Afrique, a permis de tester cette hypothèse. Récupéré sept mois après le déploiement, le bois présentait environ 170 perforations/cm2, résultat d’une colonisation étonnament très rapide par une espèce précédemment inconnue, ici décrite comme Xylophaga alexisi n. sp. L’espèce est remarquable par son siphon incomplet, une empreinte du muscle adducteur postérieur faite d’éléments linéaires, et par l’absence de papilles sur les ouvertures siphonales. L’espèce nouvelle est comparée entre autres aux espèces atlantiques décrites par Harvey (1996). La croissance des bivalves est estimée à 0.011 mm par jour, ce qui est comparable aux évaluations de croissance de X. ricei Harvey, 1996, à 5000 m de profondeur. La densité élevée de X. alexisi n. sp. sur un site éloigné du continent saharien, où les courants de surface et de fond sont faibles, suggère fortement que les espèces de bois coulés sont en fait très répandues dans les plaines abyssales, qui constituent le plus vaste habitat benthique de la planète.Bivalves of Xylophaga Turton, 1822 require access to wood or other vegetation on the seafloor, into which they bore. They ingest the wood and, with the aid of bacteria, digest it to survive. Their complete dependence on vegetation for survival suggests that the group would be rare on the abyssal plains, as the availability of terrestrial vegetation declines with distance from land masses. Deployment of a small block of wood on a mooring at 4626 m depth in the Cape Verde Abyssal Plain, over 1600 km west of Africa tested that suggestion. When recovered seven months after deployment, the wood carried an estimated 170 boreholes/cm2 evidence of extremely and surprisingly rapid colonization by a previously unknown species, here described as Xylophaga alexisi n. sp. The species is unique in having an incomplete siphon, a posterior adductor scar made of linear elements and in lacking cirri at both siphonal openings. Atlantic species described by Harvey (1996) are compared to this and other species. The bivalves are estimated to have grown 0.011 mm per day, comparable to growth estimates of X. ricei Harvey, 1996 at 5000 m depth. The high density of this species at this site, the great distance of the site from the continent which is so arid to be Saharan in character and the minimal input the site receives from surface and bottom currents argue strongly that wood-boring species thrive in the largest benthic habitat on Earth, the abyssal plain.