Pourquoi le Goéland argenté, Larus argentatus pond-il un troisième œuf plus petit que les deux précédents ?

Breeding performances of Herring Gulls (Larus argentatus) nesting on Trébéron island (Brittany) were compared during two successive periods. During the first period (1983-88) feeding conditions were favourable : breeders regularly visited the very large Brest’s refuse tip, situated at 12 km from the colony, where food resources were abundant and predictable. During the second period (1989-90), following the building of an incineration plant, the amount of garbage dumped at the tip decreased, thus reducing the amount of food available to the gulls. Between 1983 and 1988, mean clutch sizes were very high (2.8-2.9, Table I) and comparable with the highest estimates made at other European colonies. The estimates for 1989-90 were significantly lower (2.7) than during the previous period. In 1989-90, modal clutch size was still of three eggs, but the proportion of clutches with one or two eggs was three times larger (Table I). When garbage was incinerated, egg volume decreased by 2.1 % (second egg) and 3.8 % (third egg, Table II). Whatever the year, there was no significant difference in volume between the first and second eggs (except in 1988). In contrast, the third egg was about 10 % smaller each year than the two previous eggs (Table II). The production of young decreased from an average of 1.30 per breeding pair in 1983-88 to 0.65 in 1989-90. It was noticed that even when the feeding conditions were very favourable, 13 % of the breeding pairs only produced three fledglings (Table IV). The proportion of breeding pairs successfully raising two or three fledglings markedly dropped in 1989-90, but not the proportion of pairs raising a single young (Fig. 1). This suggests that the brood-rearing capacity of the parents is food-limited and that their reproductive effort greatly increases with brood size. The results obtained in 1989-90 show that a low food availability limits egg production in the Herring Gull. However, those obtained between 1983 and 1988 suggest that food limitation does not explain either the truncated distribution of clutch size or the small size of the third egg. It is therefore proposed that laying three eggs represents the best possible trade-off between the cost of reproduction and the lifetime reproductive success, and that the third egg is a «spare-egg» producing a fledgling only if the (a) egg and/or the (b) egg do not hatch.Les capacités reproductrices des Goélands argentés Larus argentatus nichant sur l’île de Trébéron (Finistère) ont été comparées au cours de deux périodes successives. Pendant la première période (1983-88), les reproducteurs avaient accès à la décharge de Brest située à 12 km de la colonie. Ils y disposaient de ressources alimentaires abondantes et prévisibles. En 1989-90, l’ouverture d’un incinérateur a considérablement réduit la disponibilité en nourriture sur cette décharge qui constituait le principal site d’alimentation de la colonie. Entre 1983 et 1988, la taille moyenne de la ponte était très élevée (2,8-2,9) et comparable aux valeurs les plus fortes relevées sur d’autres colonies européennes. En 1989 et 1990, elle fut significativement plus faible (2,7) que pendant la période précédente. La taille modale de la ponte est restée égale à 3 tout au long de l’étude mais la proportion de pontes à 1 ou 2 œufs a approximativement triplé en 1989-90. En 1989-90, le volume des œufs a baissé de 2,1 % (deuxième œuf) à 3,8 % (troisième œuf). Excepté en 1988, il n’y eût pas de différence de volume entre les œufs (a) et (b). En revanche, l’œuf (c) est chaque année environ 10 % plus petit que les deux autres. En 1989-90, le nombre de jeunes à l’envol a considérablement diminué passant de 1,30 (1983-88) à 0,65. On remarque que même lorsque les conditions d’alimentation étaient très favorables, seulement 13 % des couples parvenaient à élever 3 jeunes. En 1989-90, le nombre de couples ayant réussi à élever 2 ou 3 poussins jusqu’à l’envol a beaucoup baissé, mais pas celui des couples n’ayant produit qu’un seul poussin. Cela indique que les couples disposent de capacités d’élevage limitées et que l’effort de reproduction parental augmente considérablement avec la taille de la nichée. Les résultats obtenus en 1989-90 montrent que la faible disponibilité en nourriture limite la production d’œufs chez le Goéland argenté. Cependant ceux obtenus entre 1983 et 1988 suggèrent que des limitations d’ordre nutritionnel ou énergétique ne peuvent expliquer ni la distribution tronquée du nombre d’œufs pondus ni la plus petite taille de l’œuf (c). Il est proposé que la taille modale de la ponte de 3 œufs représente le meilleur compromis possible entre le coût et le succès de la reproduction et que l’œuf (c) constitue un «œuf de secours» non destiné à produire un poussin sauf si l’œuf (a) et/ou (b) n’éclosent pas.Pons Jean-Marc. Pourquoi le Goéland argenté, Larus argentatus pond-il un troisième œuf plus petit que les deux précédents ?. In: Revue d'Écologie (La Terre et La Vie), tome 48, n°3, 1993. pp. 331-340