Flexibilité de l’organisation sociale du chevreuil en fonction des caractéristiques de l’environnement

The social organization of a Roe deer population living in an open agricultural environment of the Paris basin was studied from January 1983 to September 1984. The study area (900 ha) was made up of a mosaic of cropland (79 %) and woodland (14 %). The population density averaged 17 roe deer per 100 ha. Fifteen roe deer (6 males and 9 females) were marked (3 collarmarked and 16 radiocollared) and followed by direct observation and radiotracking. The social organization of this population definitely changes with the seasons. During spring and summer, roe deer mostly live alone (in 65 % of the cases, N = 528), in doe/fawn pairs, or in buck/doe pairs. Adult males’ home ranges overlap in part, but the areas most often used by the animals are exclusive. The home ranges of one marked adult male and one marked adult female did overlap, but the coincidence indices which were high in spring, became nil in summer. During autumn and winter roe deer become gregarious : they are found in 90 % of the cases (N = 798) in groups averaging 5.2 heads. In 48 % of these, groups include adult males and females, together with young of the year. Groups of adult and subadult males and females make up another 40 %. However, the stability of these groups varies greatly. Three categories may be distinguished : (1) mother/yong units ; (2) stable groups of individuals not necessarily related ; and (3) short-lived associations of a number of stable groups. The home ranges of marked deer largely overlap at that time of the year, and coincidence indices between some individual deer are high. A linear dominance hierarchy was observed among marked males, adults being dominant over subadults. A comparison is made with another Roe deer population living in the same region, but in a forest environment. The social organization of the two populations is very similar during the breeding season, but differs greatly in autumn and winter. The obvious differences in food and cover resources between the two habitats quite likely explain the flexibility of Roe deer social organization in autumn and winter.Afin d’aborder le problème de la flexibilité du système social chez le Chevreuil, nous avons réalisé, entre janvier 1983 et septembre 1984, l’étude de l’organisation sociale d’une population vivant dans un milieu ouvert (agroécosystème) du Bassin Parisien. Le terrain d’étude couvre environ 900 hectares et est composé principalement de cultures (79 % de la surface) et de bosquets (14 %). La densité de la population a été calculée à 17 individus aux 100 hectares. Les techniques utilisées sont l’observation directe et le radio-tracking ; le marquage de 15 animaux (6 mâles et 9 femelles) a permis d’étudier les relations sociales en privilégiant la dimension individuelle. L’organisation sociale présente une évolution très marquée au cours du cycle annuel : — Le printemps et l’été sont caractérisés par une organisation de type individualiste : 65 % des observations (N = 528) portent sur des individus isolés et l’effectif moyen des groupes est de 2,7 individus. 38 % de ces groupes sont des unités mères-jeunes, 25 % sont des couples mâle-femelle. Les domaines des mâles marqués se recouvrent en partie, mais les zones fréquentées préférentiellement sont le plus souvent distinctes. Les degrés d’association entre ces mâles sont très variables au printemps et nuis en été. Le système de reproduction est de type territorial. Les domaines d’un mâle et d’une femelle adultes marqués sont superposés, mais les degrés d’association, élevés au début du printemps, sont nuis en été. — En automne et en hiver, l’organisation sociale est de type associatif : 90% des observations (N = 798) portent sur des groupes, dont l’effectif moyen est de 5,2 individus : 48 % de ces groupes rassemblent à la fois mâles, femelles et jeunes ; on observe des associations entre individus adultes ou subadultes de même sexe (mâles ou femelles) dans 40 % d’entre eux. Le degré de stabilité des groupes est très variable et permet de distinguer trois types d’associations : 1) Les unités femelles-jeunes ; 2) Les associations stables d’individus n’ayant pas nécessairement entre eux de liens de parenté ; 3) Les associations instables, composées de plusieurs noyaux stables. Les domaines des animaux marqués ont des degrés de recouvrement élevés, de très forts degrés d’association étant observés entre certains sujets. Les relations entre mâles marqués participant au même groupe traduisent l’existence d’une hiérarchie de type linéaire, le mâle adulte étant dominant sur les subadultes. Ces résultats ont été comparés à ceux concernant une population vivant dans un milieu fermé (forêt), étudiée avec la même approche (éco-éthologique) et les mêmes techniques. Les systèmes sociaux développés dans les deux milieux sont très semblables pendant la période de reproduction, mais diffèrent considérablement en automne-hiver, où le système adopté en milieu ouvert est nettement associatif, alors qu’on n’observe en forêt que de petits groupes composés le plus souvent d’une unité mère-jeunes accompagnée d’un mâle adulte. Le mode d’organisation sociale adopté par une population dépend donc en partie des caractéristiques du milieu qu’elle fréquente. Parmi ces caractéristiques, l’abondance et la répartition des ressources et du couvert semblent jouer un rôle important, en influant sur la répartition des individus.Maublanc Marie-Line, Bideau Eric, Vincent Jean-Paul. Flexibilité de l’organisation sociale du chevreuil en fonction des caractéristiques de l’environnement. In: Revue d'Écologie (La Terre et La Vie), tome 42, n°2, 1987. pp. 109-133