« Reconstruire (ou pas) : l’architecture comme artifice de voyage dans le temps »

International audienceThis article discusses two cases of exhibition reconstructions in which architecture plays a key role in thinking about history. In both, an architectural structure is transposed from one context to another, leaving both visible. This spatial shift involves an even more complex intricacy of time strata. In When Attitudes Become Form: Bern 1969/Venice 2013, Rem Koolhaas and the OMA studio, together with curator Germano Celant, « grafted » a full-size replica of the cubic modernist architecture of the Bern Kunsthalle in its 1969 interior setting onto the painted, ornamented and sculpted walls of the 17th-century Venetian palace of Ca' Corner della Regina. Ten years before, conceptual artist Martin Beck had already used architecture as an artifice for travelling in time and thinking about history—in this case, utopias and ideologies of the 1960s. In his 2003 exhibition Exhibit viewed played populated at the Graz Kunstverein, he rectified the irregular interior geometry of the 16th-century building by delineating a rectangular space which recalled the neutrality of “White Cube”, while still revealing the ornamented patterns of original setting. One can argue that these projects compress history’s depth to an immediate experience, as do many exhibition reconstructions today. Yet using architecture as artifice they put together different ways of thinking about time (and art): as duration, repetition, mingling, overlapping or discordant temporalities.Cet article prend deux études de cas : le remake en 2019 de l'exposition de Harald Szeemann Quand les attitudes deviennent forme par Germano Celant When Attitudes Become Form: Bern 1969/Venice 2013 (Venise, Fondation Prada, 2013), et le projet de l'artiste Martin Beck, an Exhibit viewed played populated (Graz, Kunstverein, 2003), pour poser la question de l'architecture comme truchement matérialisant une pensée du temps. Deux exemples où l’on « transporte » ou « transpose » une architecture au sein d’une autre ; dans les deux cas, les lieux-hôtes sont des bâtiments historiques et les espaces « importés » - des architectures modernistes qui relèvent cependant d’expériences passées. Dans le premier, l’architecture cubique de la Kunsthalle de Berne a été transposée par le bureau de Rem Koolhaas au sein des murs peints, ornés et sculptés du palais vénitien du XVIIIe siècle hébergeant la Fondation Prada, sans les dissimuler. Le commissaire Celant a justifié le recours à cet artifice en qualifiant l’exposition de 1969 de « readymade » historique, clos et transportable en tant que tel. Le truchement de l’architecture est aussi à l’oeuvre dans le projet de Beck qui revisite les utopies et idéologies des années 1960-1970 ; il rectifie les irrégularités de l’espace d’accueil, le Kunstverein de Graz, un bâtiment du XVIe siècle, par l’insertion d’un espace rectangulaire correspondant au modèle du « White Cube », tout en imprimant de manière digitale sur les murs de celui-ci des trompe-l’oeil des murs d’origine. Dans ces deux cas de figure, la compression du temps historique en expérience immédiate, si fréquente dans les reconstructions d’expositions de nos jours, est contrecarrée par un travail plus réflexif sur le temps et ses formes multiples (durée, récurrence, croisement…) À partir de ces exemples, il s’agit de réfléchir aux temporalités à l’oeuvre dans les pratiques muséales basées sur la citation et la reprise