Pouvoirs de l’image, affects et émotions

International audienceRéaction contre une approche désincarnée valorisant à l’excès le rôle de la raison dans l’explication des phénomènes politiques, éthiques et esthétiques, l’intérêt récent de la critique pour les émotions et les affects signale une prise de conscience de notre vulnérabilité et des interactions complexes qui caractérisent les relations entre corps et esprit ; elle s’inscrit dans un mouvement plus général de décentrement du sujet aujourd’hui à l’œuvre dans la pensée critique. Cette inflexion théorique permet de repenser la question classique des pouvoirs de l’image. Car ce pouvoir tient en partie à la capacité de l’image à mettre en jeu affects et émotions de multiples manières. Travaillée par ces derniers au moment de sa création ou sa production, elle les donne à voir dans ses représentations et les met en branle chez le spectateur avec une grande efficacité.L’attention portée au cours des dernières décennies au concept d’affect, envisagé comme circulation d’intensités qui échappent à la conscience claire et font du corps un lieu d’échanges, invite donc à prendre en compte la dimension incarnée et sentante du sujet dans la réflexion sur l’image. Elle offre en outre, des pistes fructueuses invitant à établir des distinctions entre ce qui serait de l’ordre de l’affect et de l’émotion dans la réception de celle-ci, dans la peinture comme au cinéma. Le renouveau d’intérêt pour les affects et les émotions a en outre permis de mettre en évidence leur valeur et leur efficacité. La redécouverte des émotions se double en effet dans le discours philosophique d’une réévaluation de celles-ci, considérées non plus comme un obstacle au raisonnement ou à l’action morale, mais comme une source de savoir.Ces questions font l’objet d’une analyse dans l’introduction et sont au cœur des huit contributions portant sur la littérature, les arts plastiques, le cinéma, mais également la carte postale (Anne-Valérie Dulac, Catherine Bernard, Antonia Rigaud, Juliana Lopoukhine, Barbara Kowalczuk, Gilles Teulié, Martine Beugnet, Emmanuelle Delanoe-Brun) proposées par ce numéro de la revue TIES