Le sublime de la violence au cinéma : peut-on moralement apprécier les représentations du Nouvel Hollywood ?

Parler de sublime de la violence au cinéma peut étonner, si l’on se réfère au sens courant de l’expression « c’est sublime » qui, dans le langage ordinaire, semble exprimer la qualité esthétique et intellectuelle d’une œuvre qui nous aura marqués de manière positive. Pourtant, le concept de sublime, tel qu’il est introduit en philosophie par le Pseudo-Longin dans le Peri hupsous, induit l’idée d’un « ravissement » du spectateur qui, s’il est transporté vers la transcendance de l’idéalité, du moins ajoute à son expérience de l’art sublime une attitude sensible qui relève en partie de l’indicible, voire de l’inconcevable. Avec Burke et Kant, le sublime se rattache à la question de la négativité de la représentation, qu’elle soit celle de l’art ou de la subjectivité du sujet. Mais dès lors que l’on prend l’expression « c’est sublime » comme l’aveu d’une impuissance du langage à dire ce qu’on a vu et ressenti, alors ne peut-on pas dire à propos d’un film violent qu’il est sublime, au sens où il nous laisse sans voix ? Un glissement s’opère à la considération du cinéma du Nouvel Hollywood, qui fait de la violence le moteur même de chaque film, comme si elle était la seule expression restée possible pour l’humanité. On y voit à la fois un moyen d’éveil émotionnel du spectateur, et un révélateur de l’impuissance du langage ; à la fois un révélateur et un moteur du sublime comme concept et comme sentiment. Par-delà la pure gratuité, par-delà tout asservissement à un propos politico-moral, la violence, celle qui est (re)présentée dans le cinéma de Kubrick, Scorsese et Tarantino, devient le lieu d’une heuristique, qui est justement rendue possible par le conflit. Alors, ce n’est plus du fait de dire d’un film violent qu’il est sublime que nous pouvons nous étonner, mais bien du film violent lui-même, en tant qu’il nous plonge dans, ou nous ouvre à, un certain état de pensée