Contourner, frauder, trafiquer: Les autres voies de la mondialisation

National audienceLa vision d’un monde dual, où des espaces légaux et illégaux coexisteraient côte à côte, chacun possédant ses dynamiques propres et ses mécanismes de régulation exclusifs, domine. Une lecture attentive des jeux d’acteurs, de leurs trajectoires et de leur ancrage social révèle une réalité plus complexe. Il n’existe pas deux mondes, l’un constituant la face cachée et inversée de l’autre, mais un seul et même monde dont les composantes sont intrinsèquement enchevêtrées et solidaires. La mondialisation du monde s’accomplit sous de multiples formes, y compris non conventionnelles. Les pratiques hors-la-loi, d’origine criminelle ou non, ne sont nullement des dynamiques autonomes des contextes sociopolitiques, économiques et normatifs dans lesquels elles s’inscrivent. C’est en fonction de ces contextes qui les produisent qu’il importe de les appréhender et les évaluer pour ne pas les essentialiser. Les trafics illicites mettent en jeu l’État parce que certains de ses membres s’enrichissent en y prenant part directement, parce que l’institution elle-même tire un intérêt politique ou économique à laisser prospérer ces activités hors la loi ou tout simplement parce qu’elle est incapable de les neutraliser. Ces pratiques nous renseignent donc sur le fonctionnement politique des sociétés et l’exercice du pouvoir. Si l’illégalité peut, dans certains contextes sociohistoriques, apparaître comme une modalité de construction de l’État et un moteur des dynamiques étatiques, elle peut, dans d’autres contextes ou à d’autres échelles, constituer une source de fragilité en introduisant des souverainetés parallèles capables de générer des interférences dans le gouvernement des choses et des hommes