La variation en réserve

International audienceNotre communication vise à porter un regard réflexif sur la prise en compte de la variation dans le programme de constitution et d’exploitation des Enquêtes sociolinguistiques à Orléans . La compilation de ces deux enquêtes constituera à terme le plus grand corpus de français parlé disponible avec 10 000 000 de mots pour plusieurs centaines d’heures d’enregistrement. La mise à disposition de la plus grande partie de ce corpus, à partir du milieu de l’année 2011 et après presque dix ans de travail consacrés aux opérations de numérisation, collecte, enregistrement, transcription, annotation, constitution d’une base de données, élaboration d’outils de requête – sans oublier les aspects juridiques et éthiques – offre l’occasion d’interroger les choix techniques et théoriques mis en œuvre. La comparaison des objectifs, de la méthodologie et des cadres théoriques de ces deux corpus réalisés à quarante années d’intervalle met en évidence les points significatifs qui sont en jeu dans l’évolution du rôle et de la place des corpus dans les théories linguistiques. Cette expérience de constitution d’un grand corpus permet notamment de s’interroger sur les effets des différentes opérations de traitements des données sur la nature même de celles-ci. Ainsi le long processus qui, à partir du matériau sonore collecté, constitue la transcription, reflète un certain nombre de choix qui dépendent tout autant du champ de la linguistique, des théories, de l’inscription du chercheur dans son domaine, de l’attente des locuteurs, des représentations déjà instituées de la langue mais aussi des formats technologiques. Une description fine et une analyse détaillée de ces pratiques de transcription (numérisation, segmentation, anonymisation, choix dans l’écoute et l’interprétation, sélection des phénomènes annotés, conventions et codage, lien avec les métadonnées et les données situationnelles et opérations de présentation et de normalisation des données) révèlent qu’elles ont un impact sur les effets d’effacement (voire au contraire de production) de la variation observable.Par delà la présentation des choix opérés par l’équipe pour tenter de maitriser l’impact des conditions de production des données sur celles-ci et sur les analyses liées, cette communication souhaite contribuer à une nouvelle approche de la variation qui est, non seulement objet d’analyse, mais aussi inhérente à la nature des liens entre théories, méthodes et données en linguistique