Résignation militaire et renouveau de l’attachement religieux. : La sortie de la Guerre des Cévennes des protestants français en Bas-Languedoc oriental, entre abandon de la violence et rétablissement du lien à Dieu (années 1710 – années 1750).

National audienceLors d’une assemblée qu’il tient au Désert le 13 octobre 1728, aux environs de la communauté de Lasalle, le pasteur Pierre Corteiz et les fidèles apprennent l’arrestation par les troupes royales d’un prédicant réformé, Alexandre Roussel. Certains fidèles exposent alors leur stratégie au pasteur : « « nous sommes d’avis d’aller enlever avec violence M. Roussel, nous serons bientôt 600 hommes armés » ; je répondis : « Silence, Messieurs (…). Je prévois le remède que vous proposez (…) infiniment plus grand que le mal ». Après leur avoir (…) démontré les grandes difficultés, qui se rencontraient dans le projet qu’ils avaient formé, et les suites fâcheuses, qui en résulteraient infailliblement, (ils) se désistèrent de leurs sentiments » . Face à l’asymétrie des forces en présence, les cadres des Eglises du Désert tentent d’obtenir des populations protestantes l’abandon d’un combat militaire ne pouvant déboucher que sur une défaite et une répression encore plus aiguë. Toutefois, nous pouvons opposer à cette démobilisation guerrière une intense remobilisation confessionnelle visant à purifier la foi protestante, à la débarrasser de ses errements prophétiques, à rétablir une discipline et à rejeter des pratiques qui, en l’absence de pasteurs, s’étaient compromises en se rapprochant du catholicisme (comme l’assistance à la messe romaine). La renaissance d’un attachement religieux propre aux populations protestantes est perceptible grâce à plusieurs témoignages : l’assistance aux assemblées du Désert ; mais aussi l’intériorisation par les fidèles de la différence religieuse désormais réaffirmée, comme le prouvent les demandes de réintégration dans la société réformée de la part de personnes ayant transigé sur leur foi (demandes spectaculaires car mises en scène devant l’ensemble de la communauté) ; ou bien encore par l’insistance de certains villages désirant recevoir un pasteur. C’est donc dans ce double sens d’abandon militaire et de restauration de l’attachement religieux qu’œuvrent les cadres des Eglises du Désert afin de permettre au protestantisme de s’adapter et de survivre dans une période de clandestinité et un contexte répressif