Devenir une jeune mère, devenir un jeune père : Une expérience genrée de la transition vers l’âge adulte dans les espaces ruraux populaires de Nouvelle-Aquitaine

Alors que les seuils de transition de la jeunesse vers la vie adulte traditionnellement invoqués (décohabitation, mise en couple, emploi stable) ne sont plus imprescriptibles dans l’expérience de la jeunesse contemporaine, l’accès à la parentalité – même lorsqu’il est précoce – est valorisé parmi les classes populaires rurales (Amsellem-Mainguy, 2016 ; Roche, 2016 ; Coquard, 2019). Devenir père et devenir mère semble assurer de manière presque mécanique un statut d’adulte alors que, face à la fragmentation de l’emploi peu qualifié en milieu rural (Huiban et al, 2006 ; Colin, 2017), l’emploi ne semble plus promettre pour cette population l’accès à ce même statut. Dans cette communication nous souhaitons nous intéresser aux parcours genrés de l’accès à la parentalité en milieu populaire rural en comparant l’expérience de la paternité et de la maternité sur les vécus des jeunes ruraux issus de ce milieu. Pour ce faire, cette communication repose sur un travail de recherche mené dans le cadre d’une thèse en sociologie traitant de la transition vers l’âge adulte des jeunes ruraux sans diplôme de la région Nouvelle-Aquitaine. Cette recherche a été menée sur trois départements (Charente, Creuse, Gironde) et auprès de 100 jeunes ruraux issus des classes populaires, interrogés au cours d’entretiens semi-directifs individuels. Ce corpus a été complété par 24 entretiens réalisés auprès de personnes responsables de l’insertion et du retour en formation de ces jeunes, ainsi qu’une pratique de l’observation en contexte familial et auprès des Missions de Lutte contre le Décrochage Scolaire et Missions Locales. Fort de ces données nous avons pu observer des parcours genrés distincts à la fois dans leur rapport à la parentalité, au vécu de la conjugalité (Lechien, 2013), mais aussi à sa carrière professionnelle individuelle. À travers les vécus des jeunes rencontrés nous avons pu mettre en lumière des « carrières de maternité » et des « carrières de paternité » faisant appel à une vision traditionaliste des rapports de genre dans le couple (Côté, 2009), mais tiraillés par la fragmentation progressive du marché de l’emploi peu qualifié en milieu rural