Etude lacanienne des représentations de l’enfance dans les poèmes de William Wordsworth et les peintures de William Bouguereau

Cette thèse est une entreprise lacanienne interdisciplinaire pour aborder la représentation de l'enfance dans The Prelude de William Wordsworth et certaines peintures de William Adolphe Bouguereau. L'enfance est une image chargée de romance, souvent associée à la glorification nostalgique de l'enfance ou à une fixation sur les enfants en tant qu'incarnations de la beauté et de la sauvagerie par excellence. Wordsworth et Bouguereau, cependant, en tant que deux romantiques canoniques, montrent que ces lectures sont intenables, car les représentations de l'enfance dans leurs œuvres d'art sont un espace sur lequel ils ont projeté leur propre intérieur en tant qu'adultes, qu'il s'agisse de sentiments agréables, tels que le sentiment d'unité, le réconfort et l'attachement ou des sentiments désagréables, tels que l'anxiété, le sentiment de perte et le deuil. L'enfance a des modalités variées dans la littérature et la peinture romantiques, mais une approche similaire de cette image est l'un des dénominateurs communs entre ces deux artistes, dont l'étude en dit long sur les époques historiques dans lesquelles ils vivaient, ainsi que leurs réponses à leur milieux Cette étude démêle également la masse des diverses idéologies de l'enfance qui dominent le 19e siècle en tant que « siècle de l'enfant, » un siècle au cours duquel artistes et militants ont écrit « pour » et/ou « sur » les enfants à des fins pédagogiques, divertissantes, idéologiques, révélatrices, historiques. Alors que Wordsworth a écrit « sur » l'enfance comme une métaphore pour approfondir les intersections psychologiques de l'enfance et de l'âge adulte, Bouguereau a pris la même position dans la majorité de ses peintures, mais il est tombé dans l'écueil de confondre « pour » et « sur » les enfants dans quelques-unes de ses peintures « misérabilistes, » qui sont aujourd'hui accusées à juste titre de romancer la misère des enfants. Cette catégorie de ses peintures n'a certainement pas considérée dans cette étude. Compte tenu de notre connaissance au XXIe siècle de l'inconscient et de ses liens avec les souvenirs d'enfance, il est révélateur de cartographier les représentations nuancées de l'enfance dans The Prelude de Wordsworth et les peintures de Bouguereau à la lumière de la psychanalyse de Lacan. D'une part, Lacan, dont la thèse de doctorat était La psychose paranoïaque et son rapport à la personnalité (1932), a consacré une bonne partie de ses analyses aux paradigmes psychiques formés dans l'enfance qui définissent nos personnalités d'adultes. Il a transformé les théories trépidantes de Freud sur l'inconscient en données formalistes et structurées fondées sur les subtilités du langage. Textuel, le modèle de Lacan nous propose une approche qui prend comme point de départ les spécificités rhétoriques et sémantiques d'un texte, d'une peinture ou d'une poésie, pour mettre en évidence les opérations psychiques en jeu, ce que Peter Brooks appelle les « zones de jeu » d'un texte. La psychanalyse appliquée lacanienne peut supprimer les explications téléologiques que la plupart des approches psychanalytiques cherchent à trouver, car elle soulève des arguments plutôt que de les fermer. Avec ces considérations, cette étude vise à démêler les opérations psychiques encapsulées dans les représentations de l'enfance dans The Prelude de Wordsworth et les peintures de Bouguereau, qui s'articulent, entre autres, sur le « corps morcelé » lacanien, ces images de la désunion, de la désincarnation, de l'émasculation, ainsi que de la gestalt, qui a à voir avec l'unité et la plénitude. Ces deux concepts sont des éléments essentiels d'une « libre association » psychanalytique, car tandis que le premier signale la réalisation de la construction illusoire du moi d'un sujet, la seconde est une construction imaginaire qui a des effets constitutifs et formateurs sur l'organisme ainsi que sur la croissance psychologie des humains.This dissertation is an interdisciplinary Lacanian venture to address childhood representations in William Wordsworth’s The Prelude and some of William Adolphe Bouguereau’s paintings. Childhood is a romantically-charged image, often associated with the nostalgic glorification of childhood or with a fixation on children as the embodiments of quintessential beauty and savageness. Wordsworth and Bouguereau, however, as two canonical Romantics, prove these readings untenable, for childhood representations in their artworks is a space onto which they have projected their own innermost as adults, be it pleasant feelings, such as sense of unity, reassurance, and attachment, or unpleasant feelings, such as anxiety, sense of loss, and mourning. Childhood has variegated modalities in Romantic literature and painting, but similar approach to this image is one of the common denominators between these two artists, the study of which also unfolds a great deal about the historical epochs in which they were living, as well as their responses to their milieus as two very astute and talented observers. This study also disentangles the mass of varying child ideologies that dominates the 19th century as the “child century,” a century in which artists and activists wrote “for” and/or “about” children for pedagogical, entertaining, ideological, illuminating, historical reasons. While Wordsworth wrote “about” childhood as a metaphor to delve into the psychological intersections of childhood and adulthood, Bouguereau took the same position in the majority of his paintings, but he fell into the pitfall of confusing “for” and “about” children in few of his “miserabilist” paintings, which are today justly accused of romanticizing children’s misery. This strand of his paintings has definitely not been instanced in this study. Given our twenty-first century awareness of the unconscious and its connections to childhood memories, it is illuminating to map out nuanced childhood representations in Wordsworth’s The Prelude and Bouguereau’s paintings in the light of Lacan’s psychoanalysis. For one thing, Lacan, whose doctoral dissertation was Paranoid Psychosis and Its Relation to the Personality (1932), dedicated a great deal of his analyses to the psychic paradigms formed in childhood that define our personalities as adults. He turned Freud’s hectic theories of the unconscious into formalistic and structured data predicated on the subtleties of language. Text-oriented, Lacan’s model provides us with an approach which uses the rhetoric and semantic specificities of a text, painting or poetry, as a point of departure to bring in the fore the psychic operations at play, that which Peter Brooks calls the “play zones” of a text. Lacanian applied psychoanalysis can do away with the teleological explanations most psychoanalytical approaches seek to find, for it raises discussions rather than to close them. With these considerations, this study aims to unravel psychic operations encapsulated in childhood representations in Wordsworth’s The Prelude and Bouguereau’s paintings, which hinge on, among others, Lacanian “fragmented body” (corps morcelé), the images which have to do with disunity, disembodiment, emasculation, and so on, or gestalt matrix, which has to do with unity and wholeness. These two concepts are essential parts of a psychoanalytical “free association,” for while the former signals the realization of the illusory construct of a subject’s egos, the latter is an imaginary construct that has constitutive and formative effects on organism as well as humans’ psychological growth