L'agent perplexe et le milieu réfractaire : la pensée économique entre décomposition du sujet et crise écologique

The problem of the ecological crisis is a formidable difficulty for economic rationality: if there are reasons to fear that it appreciably constrains the agents' utility, scientific ecology does not appear to be able to provide the economy with simple supports for unambiguous rational integration, because of the complexity of its object. Ecological entities are not “environmental goods’’, they are neither stable, nor discrete, nor homogeneous, but are intertwined in time and space, both heavy with a singular history and permeable to their environment's influence. Integrating such objects into a general instrumental scheme therefore requires going beyond the application of simple equivalence sets: real structures need to be followed, closely, ensuring here the maintenance of regularities, there their slow modification. Faced with these difficulties, a new necessity appears which conditions the success of integration: the "malignancy” of instrumental rationality itself, the determination of the agents to carry out the integration. Now this condition, with the extension of the field of instrumental reason, appears more and more compromised, one has to reckon with the overflow of the realm of means, which tends to produce, in late modernity, an erosion of subjective sovereignty, a "decomposition of the subject", to use the expression of T W. Adorno. The assumption is made here that the ecological problem is a dual problem, in reality : that it questions the possibility of ecological entities rationalization, but also, more indirectly, the robustness of the agent's ends.Le problème de la crise écologique est d’une difficulté redoutable pour la rationalité économique s’il y a tout lieu de craindre qu’elle contraigne sensiblement l'utilité des agents, l’écologie scientifique n’apparaît pas à même, du fait de la complexité de son objet, de fournir à l’économie des appuis simples pour une intégration rationnelle univoque. Les entités écologiques ne sont pas des « biens environnementaux » : elles ne sont ni stables, ni discrètes, ni homogènes, mais s'entremêlent dans le temps et l’espace, à la fois lourdes d’une histoire singulière et perméables aux influences de leur environnement. Intégrer de tels objets dans un schéma instrumental général exige, dès lors, d'aller au-delà de l'application de simples jeux d'équivalences : les structures réelles requièrent d’être suivies de près, en assurant ici le maintien de régularités, là leur modification lente. Face à ces difficultés, une nouvelle nécessité apparaît qui conditionne le succès de l'intégration : la « malignité » de la rationalité instrumentale elle-même, la détermination des agents à opérer l'intégration. Or cette condition, avec l'extension du champ de la raison instrumentale, apparaît de plus en plus compromise. Il faut compter, en effet, avec le débordement du domaine des moyens, qui tend à produire, dans la modernité tardive, une érosion de la souveraineté subjective, une « décomposition du sujet », selon l 'expression de T W. Adorno. Est faite ici la supposition que le problème écologique est un problème double, en réalité : qu'il interroge la possibilité d'une rationalisation des entités écologiques, mais aussi, plus indirectement, la robustesse des finalités de l'agent