Nature du jugement social subi par les patients opérés d’une laryngectomie totale

Après une laryngectomie totale (LT), le patient perd sa voix. Avec un implant phonatoire ou l’apprentissage de la voix oro-oesophagienne il s’en appropriera une nouvelle, atypique et limitée. Ce changement va bouleverser son rapport aux autres. D’une part via son handicap : une impuissance physiologique à parler avec plusieurs interlocuteurs à la fois, dans du bruit ambiant, à distance de son interlocuteur ou durant plus d’une heure. D’autre part via l’image qu’il renverra à ses interlocuteurs. Cette année lors d’un stage orthophonique, un patient laryngectomisé total d’une cinquantaine d’années avec une voix dysphonique mais audible et une paroleintelligible, m’a raconté une situation courante de sa vie depuis cette chirurgie. Lorsqu’on l’arrête dans la rue pour lui demander un quelconque renseignement, les passants très souvent, à la vue de son trachéostome et à l’écoute de sa voix atypique, s’excusent et vont demander l’heure ou la direction à quelqu’un d’autre. Ou encore, lui répondent en parlant lentement, avec des mots simples et une intensité élevée comme s’il était malentendant ou présentait des troubles cognitifs importants. Les témoignages de patients rencontrés en clinique, la prévalence des cancers du larynx et le manque de données scientifiques concernant les conséquences sociales de la LT ont abouti à investiguer dans cette étude la nature du jugement social porté sur les patients LT, et de comparer les caractères visible et audible de ce stigmate. Pour cela nous avons soumis des vidéos de patients laryngectomisés à des sujets tout-venants et recueilli le jugement social émis. Ces vidéos présentaient les patients avec ou sans stigmate visible (trachéostome) et/ou audible (dysphonie). La comparaison des jugements émis en fonction de l’aspect visible et/ou audible du stigmate est analysée. La première partie de ce mémoire est consacrée aux aspects théoriques concernant l’anatomie et la physiologie du larynx, la LT et sa prise en soin (PES) mais porte également sur la stigmatisation en générale et les modèles théoriques utilisés pour l’évaluer. La partie pratique présente le questionnaire, la méthode, le traitement statistique et les résultats obtenus. Pour finir la discussion décline les biais et limites de cette étude, ainsi que ses perspectives pour la clinique orthophonique et les recherches futures