Vers une «philosophie de la religion» d'aujourd'hui A partir de la problématique du témoignage (2e partie)

Dans la partie précedente de notre étude, nous nous sommes concentrés sur des approches essentielles de la question de la mort depuis celle de Heidegger dans Sein und Zeit, en espérant toucher par ce biais la mise en question radicale qui affecte la philosophie et la religion à notre époque. Au bout de cette démarche, nous sommes parvenus, avec Lévinas et Derrida, à la problématique insolite de «la mort nécessaire impossible». Cette im-possibilité se trouvait tellement paradoxale que nous sommes exposés à la situation abyssale où tout l'acte de penser devrait en être profondément ébranlé, sans même que l'on puisse la déterminer comme une question. En partant de cette situation, comment faire redémarrer la pensée en quête d'une «philosophie de la religion» d'aujourd'hui ? C'est de ce sujet que nous traitons dans cette deuxième et dernière partie. L'idée heideggérienne d'«attestation (Bezeugung)» constitue le point de départ privilégié de cette réflexion. Car elle témoigne précisément de la modalité sous laquelle l'acceptation par le Dasein de tout son être-pour-la-mort s'effectue en s'annoçant elle-même. Certes, on pourrait se demander si la critique profonde adressée à l'idée de pouvoir-mourir devrait rendre impossible l'auto-attestation du Dasein comme sum moribundus. Mais, compte tenu de son caractère «performatif» dans le sillage de la lecture derridienne de Sein und Zeit, l'acte de s'attester pourrait s'étendre à notre rapport à la mort im-possible, qui est done hors de toute sorte d'appropriation. C'est dans ce contexte que la problématique du «témoignage (Zeugnis)», développé par des philosophes français post-heideggériens importants, tels que Nabert, Lévinas, Ricoeur, Henry, Derrida, etc., mérite d'être remarquée et examinée attentivement. A la fin de la présente étude, nous nous proposons de dégager de ces méditations respectivement originales les dénominateurs communs du «témoignage de l'impossibilité de témoigner». Le rapport qu'on peut discerner chez ces penseurs entre cette philosophie insolite du témoignage et les idées étranges de Dieu nous suggére probablement la voie possible menant à une nouvelle figure de la philosophie de la religion