Genotyping and phenotyping of biotransformation enzymes : towards a more accurate interpretation of biological monitoring of exposure to chemicals

Introduction : En toxicologie industrielle et environnementale, l'évaluation de l'exposition à des substances chimiques s'appuie sur deux approches largement complémentaires : la mesure de la substance dans l'air ("surveillance d'ambiance") et la mesure d'un paramètre biologique reflétant l'exposition ("surveillance biologique de l'exposition") ; dans ce dernier cas il s'agit le plus souvent de la substance elle-même ou d'un de ses métabolites dans l'urine ou dans le sang. Quelle que soit l'approche choisie, le professionnel de la santé doit disposer de valeurs limites pour interpréter les résultats. Dans le domaine de la surveillance biologique de l'exposition, les valeurs limites sont le plus souvent établies sur base des corrélations entre l'exposition externe et la concentration du biomarqueur dans les milieux biologiques. La valeur limite, alors appelée "index biologique d'exposition" (IBE) correspond à la valeur limite atmosphérique. Ces IBE ont cependant été établis en postulant que tous les individus répondent de manière identique, ce qui n'est pas le cas puisque des variations inter-individuelles importantes sont habituellement constatées. Objectifs : L'hypothèse du travail est qu'une part de cette variabilité réside au niveau de différences dans les capacités individuelles de biotransformation des xénobiotiques. Pour la vérifier et évaluer l'importance potencielle de ces facteurs, nous avons sélectionné à titre de modèle deux composés pour lesquelles une surveillance biologique de l'exposition peut être réalisée (sévoflurane et styrène). Trois enzymes (ou familles d'enzymes) intervenant dans le métabolisme de ces substances (CYPE2E1, GSTs et EPHX1) ont été examiné(e)s et l'influence des polymorphismes génétiques et phonétiques (expression ou activité) sur la variabilité observée dans la relation exposition externe-biomarqueur a été étudiée. Résultats : Dans un premier temps, nous avons démontré que le génotypage, classiquement effectué sur des échantillons sanguins, peut aussi bien être réalisé au départ d'échantillons urinaires (facilement obtenus en surveillance biologique de l'exposition), de préférence en utilisant les premières urines du matin. Appliquée à des études de terrain (sévoflurane et styrène), la prise en compte de polymorphismes génétiques s'est avérée particulièrement importante dans le cas ou la surveillance biologique de l'exposition au styrène est réalisée sur la base des acides mercapturitiques spécifiques dans l'urine. Dans ce cas, deux IBE peuvent clairement être distingués en fonction du statut GSTM1 des individus.L'influence des autres polymorphismes génétiques (CYP2E1 et EPHX1) semble moins importante bien que leur prise en compte dans des modèles de régression multiple permette d'augmenter significativement la part expliquée de la variabilité inter-individuelle (classiquement supérieur à 70% pour les acides mercapturiques spécifiques). Pour évaluer l'intérêt de la prise en chambre d'inhalation, nous avons démontré que la prise en compte du phénotype CYP2E1, en association avec le génotypage GSTM1, permet d'expliquer 77% de la variabilité biologique des acides mercapturiques urinaires, rendant ainsi ces marqueurs très intéressant pour la surveillance biologique de l'exposition au styrène. Les tests de phénotypage sur lymphocytes ont également permis de confirmer les effets liés aux polymorphismes génétiques observés dans les études de terrain (réduction des activités CYP2E1 et EPHX1 en présence, respectivement, des allèles CYP2E1*6 et EPHX1 His¹¹³). Conclusions : L'ensemble de ces résultats démontre qu'il est possible d'améliorer l'interprétation des résultats de surveillance biologique d'exposition en tenant compte du génotype et du phénotype de certains enzymes de biotransformatin pertinents. Nous proposons le concept de "surveillance biologique individualisée" dans lequel chaque individu dispose de son propre IBE sur la base de ses caractéristiques génétiques et phénotypiques (p. ex. BMI, âge).Thèse de doctorat en Santé publique (toxicologie industrielle) -- UCL, 200