Origine et devenir de la matière organique dans une tourbière anciennement exploitée : Le Russey, Jura français

Conduit dans le cadre du programme européen RECIPE, ce travail vise à appréhender les processus de la dynamique de régénération spontanée d'une tourbière anciennement exploitée en s'appuyant sur la composition biochimique de la matière organique (MO). L'objectif est de déterminer les modalités de dégradation de la MO et de préciser les facteurs favorables à la préservation et à l'accumulation des apports carbonés. La tourbière ombrotrophe du Russey (Jura français, surface : 27 ha, altitude : 864m, précipitations : 1349 mm), en arrêt d'exploitation depuis 1984, présente différents stades de régénération allant de la tourbe nue à une végétation mixte (Sphagnum sp., Eriophorum sp. et Polytrichum sp). Une zone intacte, ou tout au moins non exploitée, sert de référence à notre étude. La démarche analytique adoptée pour ce travail combine des méthodes de géochimie globale (e.g. C/N), un fractionnement granulométrique à 200µm et une analyse micromorphologique des constituants organiques dispersés par frottis, au microscope photonique. Trois carottes de tourbe (0 à 45 cm de profondeur) ont été prélevées dans 3 zones distinctes : tourbe dénudée, stade régénéré et zone intacte. Les MO des profils de ces trois zones révèlent des compositions chimique et micromorphologique assez contrastées : - tourbe dénudée : les valeurs de C/N sont quasiment constantes (≈ 40) et la MO est majoritairement composée de tissus caractéristiques de cypéracées et de MO amorphe traduisant une dégradation assez prononcée. On note la quasi-absence de tissus de sphaigne. - stade régénéré : l'évolution avec la profondeur des valeurs de C/N délimite clairement deux compartiments : la litière de régénération caractérisée par de fortes valeurs de C/N et une MO bien préservée formée de tissus de sphaignes et une présence notable de diatomées ; la tourbe « ancienne » montrant des valeurs de C/N plus faibles. La MO y est composée d'environ 60% de fraction fine (< 200µm) où dominent des produits organiques de type mucilage, d'origine vraisemblablement microbienne. - Dans la zone témoin, les valeurs C/N montrent dans l'ensemble une évolution caractéristique d'une dégradation croissante avec la profondeur : chute progressive de ces valeurs, MO formée essentiellement de tissus de sphaignes et de microorganismes en surface et présence de MO amorphe en profondeur, au détriment des sphaignes. Les analyses moléculaires en cours de la fraction fine (