La réaffirmation et la réinvention saint-simoniennes du masculin: pour une lecture nouvelle d'un féminisme originel

International audienceLes travaux sur le saint-simonisme comme origine du féminisme ont occulté sa contribution à la reconstruction de la masculinité après les guerres et les régimes autoritaires de la Révolution et de l'Empire. S'il est vrai qu'Enfantin, son leader après 1831, promeut le féminin et la théologie mystique d'un " Dieu hermaphrodite ", on doit constater non seulement qu'il a en pratique bel et bien fini par évincer les femmes de la hiérarchie du mouvement, mais aussi qu'il s'est ingénié à récupérer au profit d'une nouvelle masculinité tous les traits qu'il supposait appartenir spécifiquement au genre féminin : pacifisme et inclinaison à la conciliation, compassion pour les pauvres, prédisposition pour les fonctions domestiques, gouvernement par la douceur et la ruse, sensualité, art de l'improvisation... Loin cependant d'être cynique, ce détournement prend en compte un réel mal-être des hommes de la génération romantique qui ne s'identifient plus aux modèles ancestraux. Il nourrit également une certaine homosocialité où la libido homosexuelle sert de carburant à un système de pouvoir qu'on serait tenté de qualifier de sectaire s'il ne se donnait aussi comme objectif l'émancipation des personnalités et la libération des énergies pour et par l'industrie