Comment la science vient aux experts. L'expertise d'écriture au XVIIe siècle à Lyon.

Dans les dictionnaires de l'Ancien Régime, le substantif « expert » renvoie à l'expert judiciaire, nommé pour rendre un rapport en raison de son habileté dans un domaine spécifique. Ce domaine coïncide généralement avec un métier. Mais ce n'est pas le cas pour l'expertise d'écriture à Lyon au XVIIe siècle : les experts y sont notaires, procureurs, greffiers et maîtres écrivains. Cette configuration particulière invite à s'interroger sur la manière dont l'expertise d'écriture est construite comme science, entre le moment où sont conservés les premiers rapports du tribunal de la sénéchaussée (1618) et ceux de l'extrême fin du siècle, alors que les experts exercent une influence déterminante, puisque leurs conclusions conditionnent largement l'issue des procès, dans un contexte de prééminence de la preuve écrite. Alors même que la législation du XVIIe siècle donne à l'expert en écriture une forte légitimité, peu propre au renouvellement de ses méthodes d'expertise, la situation lyonnaise engendre des tensions et des rivalités professionnelles qui poussent les uns et les autres à la surenchère scientifique. C'est donc le cheminement scientifique des experts qui est ici étudié : comment un discours savant se met-il en place, comment le « coup d'œil » de l'expert est-il relayé par une exigence d'objectivation ? En quoi le compromis auquel parviennent maîtres écrivains et notaires résulte-t-il de la médiation des juges, et plus largement quel est le rapport des experts à la sphère judiciaire ? Enfin, comment la population lyonnaise perçoit-elle les experts en écriture ? La spécification d'une injure, celle de faussaire, sur les hommes de loi, peut livrer des clés sur le regard profane