La figure d'Enée dans l'Ovide moralisé

Dans l'Ovide moralisé en vers du début du XIVe siècle, l'auteur retrace les aventures d'Enée, aux livre XIII et XIV. Contrairement à ce qu'il peut faire dans d'autres épisodes, il ne transforme pas la figure du héros antique, ne s'éloigne guère de sa source, les Métamorphoses d'Ovide. En particulier, il ne fait pas d'Enée une figure épique (il ne s'inspire pas de l'Enéide de Virgile) ni romanesque (il n'utilise pas le Roman d'Enéas du XIIe siècle). Son personnage est seulement le pius Aeneas de l'antiquité, sur lui ne pèse aucun des soupçons que le Moyen Âge a pu véhiculer (trahison, lâcheté, manque de virilité...). C'est parce que, dans son allégorèse, il fait d'Enée une figure du Christ. Le motif récurrent du feu symbolise aussi bien les flammes de l'enfer que la brûlure des péchés, et le diable est l'interprétation de plusieurs personnages de la fable, en particulier Turnus (qui, dans une lecture anagogique, figure aussi l'Antéchrist). Peut-être aussi le maître de flotte qui permet à ses navires de traverser tous les dangers de la mer n'a-t-il pas que la valeur spirituelle de celui qui dirige l'âme humaine à travers la mer des péchés : on peut également supposer que la figure d'Enée est un modèle pour les seigneurs des clercs qui copièrent le texte, à l'instar du roi Anius, à la foi roi et prêtre de Délos, qui, au livre XIII, accueille le héros troyen