Le livre en héritage : les religieux mendiants face aux manuscrits médiévaux au XVIIe siècle

International audienceLa « révolution de l’imprimé » et l’émergence des deux « Réformes », protestante et catholique, ont considérablement modifié la teneur et le fonctionnement des bibliothèques conventuelles. La croissance numérique de celles-ci s’est accompagnée d’une relecture des statuts des ordres mendiants en direction d’une surveillance plus tatillonne des usages du livre au couvent. C’est ce basculement qu’on se propose ici d’examiner, tant du point de vue de ses fondements juridiques (les nouveaux statuts) que de sa participation à la redéfinition des identités mendiantes à l’époque moderne, le Moyen Age, mais un Moyen Age revisité et idéalisé, étant sans cesse présenté en miroir aux religieux.Dans l’historiographie que les ordres mendiants consacrent à eux-mêmes au XVIIe siècle, ils évoquent à la fois la genèse des bibliothèques conventuelles médiévales, tel Jean de Réchac pour les dominicains, et recherchent dans leur passé les fondements d’une radicalisation de la pauvreté – intellectuelle et matérielle – mendiante en revisitant leur histoire. Cela est particulièrement visible chez les frères mineurs de l’observance.La provenance des manuscrits médiévaux dans les bibliothèques conventuelles modernes, à partir de quelques exemples bien documentés (Nancy, notamment), permet de dégager l’héritage « interne » des dons et legs dont ont bénéficié les couvents de fondation post-tridentine, profitant ainsi d’une circulation et d’une redistribution du livre médiéval, particulièrement au tournant des XVIe et XVIIe siècles.Ces corpus de manuscrits sont le plus souvent traités en héritage encombrant, dont les religieux peinent à comprendre la spécificité, au moment où d’autres familles religieuses, sous la règle de saint Benoît notamment, ont acquis une compétence notoire dans le domaine de la codicologie et de la diplomatique. La gestion de ces fonds spécifiques, les catalogages et le soin dont ces livres font l’objet montre au contraire que les religieux mendiants n’ont que peu de savoir-faire en la matière