The Limits of Tragic experience. Fear and Horror in the Theory and Practice of French Tragedy (1635-1789)

La tragédie est l’un des rares genres auxquels est assignée la production d’émotions spécifiques. Cette injonction issue de la Poétique aristotélicienne définit l’expérience tragique comme une épreuve affective tramée par la terreur (phobos) et la pitié (eleos). Les contours de cette réception passionnelle sont définis en fonction des émotions qu’elle admet en son sein mais également de celles qui en sont exclus. L’horreur est ainsi considérée comme une passion interdite alors même qu’elle a des affinités sémantiques avec la terreur. Notre étude se propose de déployer les différentes questions poétiques, morales et esthétiques posées par le bannissement de l’horreur d’un côté et par l’éveil de la terreur de l’autre. Elle vise à montrer comment la frontière entre la terreur et l’horreur se reconfigure en fonction du mode d’appréhension de leur nature et comment elle se déplace au fil de l’évolution historique de la tragédie française, depuis la fondation du modèle régulier jusqu’à l’aube de la Révolution Française. La délimitation entre les deux passions est en effet mouvante. Outre que la conception morale des effets tragiques en brouille le tracé, les contestations de la doxa tragique au siècle des Lumières invitent à élargir le spectre de la terreur tragique en intégrant possiblement le choc horrifique. Il s’agira donc de mettre en lumière les articulations entre la poétique et la théorie des affects et de cerner les critères convoqués dans le jugement critique pour penser et mesurer l’horizon passionnel tragique.Tragedy is one of the few genres to which the production of specific emotions is assigned. Inherited from Aristotle’s Poetics, this prescription defines tragic experience as an affective ordeal, rooted in fear (phobos) and pity (eleos). This passion-based mode of reception is circumscribed by the emotions it admits as well as the ones it excludes. Horror is thus considered as a forbidden passion, despite the semantic ties it shares with fear. This study proposes to explore the various poetic, moral and aesthetic issues raised by the exclusion of horror on the one hand and by the arousal of fear on the other hand. It aims to show how the frontier between fear and horror changes according to the conceptions of their respective natures and how it shifted along with the historical evolution of French tragedy, from the foundation of the regular model to the dawn of the French Revolution. The limit between the two passions is indeed unstable. Not only is it blurred by the moral conception of tragic effects, but oppositions to the tragic doxa in the Age of Enlightenment invite us to broaden the scope of tragic fear and to consider integrating the shock of horror to its manifestations. This work will therefore shed light on the articulations between the poetics and the theory of affects and evaluate the criteria on which critical judgment is founded in order to apprehend and gauge the contours of tragic passions