Le tournant qualitatif de la prospective urbaine et ses effets sur le gouvernement urbain: Les enseignements de l'expérience lilloise

International audienceThis article examines the increasing qualitative dimension of the urban planning and its effects on urban governance in big urban areas. Drawing on the case of the urban area of Lille, and focusing more particularly on the creation of the new urban planning authority and on the production of a new urban planning document, it analyses how this qualitative turn leads to new powerplays among actors responsible for urban management and how these powerplays underpin changes in the way urban governance is politically dealt with. The qualitative turn of the urban planning fuel, in two ways, a profound transformation of the conditions and the rationales of the political regulation of urban spaces. Firstly, the frequent references to "metropolitanization" (defined here as a set of proactive public policies to turn an agglomeration into a metropolis) lead to an increased significance of science and expertise in the decision-making process of the urban management. This new balance between "knowledge" and "power" causes a reorganisation of the legitimacies and action capacities within the urban polity. Another key role of the qualitative turn of the urban planning is to neutralise the social conflict due to the contradicting interests and uses of the urban space. The qualitative dimension of the urban planning is used by urban leaders to present the patterns and the asset of the locality with a document that narrates the qualities of the place. Such narration enables the coexistence of different visions and interests about urban space, a formula that attenuates the contradiction of interests but also helps to change the political regulation of big urban areas.Cette contribution examine le tournant qualitatif du travail des agences d'urbanisme au travers notamment de la prospective urbaine pour comprendre le rôle actuel de ces structures dans la gestion urbaine. Le matériau empirique de cette étude porte sur la relance de la prospective urbaine dans l'agglomération lilloise avec la création de la nouvelle agence d'urbanisme et la révision du Schéma Directeur (S.D.A.U.) qui a suivi. À travers une analyse des dynamiques socio-politiques qui entourent la relance de la prospective urbaine sur la scène locale et une analyse des usages politiques qui en sont faits, cette contribution montre comment le tournant qualitatif de la prospective urbaine permet un certain nombre de jeux de pouvoir et de jeux d'acteurs qui ont à leur tour des effets sur la gestion urbaine. Ces jeux d'acteurs et jeux de pouvoir marquent en fait une transformation profonde des conditions et des modalités du gouvernement urbain selon deux logiques. Tout d'abord, les références de plus en plus fréquentes à la "métropolisation" comme projet politique local marquent l'émergence de nouveaux rapports entre " savoir " et " pouvoir ". Ce nouvel équilibre se traduit par une réorganisation de la prise de décision au sein de la coopération intercommunale, avec de nouvelles légitimités et capacités d'action qui supplantent le précédent système. Une deuxième transformation du gouvernement urbain intervient avec les jeux symboliques mis en œuvre pour parler de l'agglomération. En effet, la mise en récit du local et les autres techniques qualitatives de la prospective urbaine visent à contenir ou à neutraliser la conflictualité sociale liée à la contradiction d'intérêts (sociaux et territoriaux). En organisant la coexistence de différentes visions et définitions de la ville, et en atténuant ainsi la contradiction d'intérêts liée à l'espace, la prospective urbaine permet de changer progressivement les conditions et les modalités de la régulation politique de l'espace urbain en légitimant de nouveaux échanges politiques à l'échelle de l'agglomération