Anthropologie philosophique et sociologie : Ricoeur et l’analyse des phénomènes sociaux

Philosophische Anthropologie und Soziologie : Ricoeur und die Analyse der sozialen Phänomene. Paul Ricoeur lehrte von 1948 bis 1956 Philosophie in Straßburg, zu einer Zeit, in der die Grenzen zwischen den Fächern der Humanwissenschaften noch wesentlich fließender waren. Viele der von ihm während dieser Zeit veröffentlichten Untersuchungen zeugen von seinem Interesse für Themen, die wenig später eine zentrale Bedeutung für die Soziologie erhalten sollten (Kultur, Arbeit, Erziehung, Politik u. a.). Wegen der von ihm bevorzugten Analysemethoden (Phänomenologie, bald gekoppelt mit Hermeneutik, historischer Semantik usw.) und wegen der Bedeutung, die er selbst der Weberschen Theorie beimaß, ist Ricoeur ein unter Soziologen gern gelesener Autor, bis zu dem Moment, an dem man ihm -und den Philosophen im Allgemeinen -im Sinne des berühmten „ epistemologischen Bruchs“ methodische Mängel bei der Objektivierung vorwirft. Muss man folglich eine sangund klanglose Trennung zwischen Philosophie und Soziologie hinnehmen ? Wird dies bejaht, würde man sich dazu veranlasst sehen, einige epistemologische und praktische Gemeinsamkeiten bei den Konzepten der Objektivierung und Distanzierung auszuwischen. Wird dies verneint, müsste man sich nicht darauf einlassen, in der Soziologie in der Folge von Ricoeur die Frage nach der symbolischen Beschaffenheit des Handelns und genauer gesagt, den denkerischen Fähigkeiten des Autors stellen ?Philosophical and sociological anthropology : Ricoeur and the analysis of social phenomena. Paul Ricoeur taught philosophy in Strasbourg from 1948 to 1956, at a time when only the bare bones of the disciplinary borders in the human and social sciences were laid down. A number of studies published by Ricoeur at this time demonstrate his interest for the themes which were in the process of becoming central notions in sociology (culture, work, education, politics etc.). Through the analytical methods he preferred at that time (phenomenology, soon to be associated with hermeneutics and historical semantics), and the importance he acknowledged in Weberian theory, Ricoeur’s works were often read by sociologists until the time when, in the name of the “epistemological cutoff”, he was reproached, together with philosophers in general, for his lack of rigour in objectivation. Should we therefore resign ourselves to a divorce between philosophy and sociology ? To reply in the affirmative would be tantamount to condemning important epistemological stakes and practices regarding the concepts of objectivation and distanciation. To reply otherwise, should we not in sociology, after Ricoeur, consent to continuing to ask the question of the symbolic constitution of action and more precisely, the reflexive capacities of the player ?Paul Ricoeur a enseigné la philosophie à Strasbourg de 1948 à 1956, à une époque où les frontières disciplinaires dans les sciences humaines et sociales n’étaient guère fixées. Nombre d’études publiées par lui à cette même époque témoignent de son intérêt pour des thématiques en passe de devenir centrales en sociologie (culture, travail, éducation, politique...). Du fait des méthodes d’analyse qui ont alors sa préférence (phénoménologie, bientôt couplée avec l’herméneutique, sémantique historique...), et du fait également de l’importance qu’il reconnaît à la théorie wébérienne, Ricoeur est un auteur souvent lu par les sociologues avant que ne vienne le moment où, au nom de la fameuse «coupure épistémologique», on lui reprochera, à lui comme aux philosophes en général, son défaut de rigueur dans l’objectivation. Faudrait-il donc se résigner à une séparation de corps – ou de corpus – entre philosophie et sociologie ? Répondre par l’affirmative serait se condamner à gommer des enjeux épistémologiques et pratiques d’importance autour des concepts d’objectivation et de distanciation. Pour répondre autrement, ne faut-il pas consentir à continuer de poser en sociologie, après Ricoeur, la question de la constitution symbolique de l’action et, plus précisément, celle des capacités réflexives de l’acteur ?Vincent Gilbert. Anthropologie philosophique et sociologie : Ricoeur et l’analyse des phénomènes sociaux. In: Revue des sciences sociales, N°40, 2008. Strasbourg, carrefour des sociologies. numéro coordonné par Maurice Blanc et Freddy Raphaël. pp. 162-184