Sonner le réveil des Vietnamiens colonisés : le journal hanoïen Đăng cổ tùng báo (1907)

International audienceAux alentours de 1900, dans une colonie française d'Extrême-Orient qui sera connu plus tard sous le nom de Vietnam, des jeunes lettrés refusèrent de passer le concours mandarinal pour servir l'Empereur, considéré par eux comme un pantin aux mains des étrangers. A la différence de leurs aînés qui croyaient encore dans une lutte armée traditionnelle, pour ces jeunes connectés au monde nouveau par l'intermédiaire des Nouveaux Livres en caractères chinois (journaux et livres rapportant les idées du siècle des Lumières et la Révolution française, mais aussi l'expérience japonaise Meiji), les médias étaient une des principales "voies de modernisation", la première étant l'adoption de l'écriture romanisée quốc ngữ dans le but d'alphabétiser rapidement la population et de diffuser largement les "nouvelles connaissances" qui ont fait la puissance de l'Occident. En Indochine à l'époque coloniale, les médias offraient une réelle ouverture au monde et servaient de support pour imaginer un autre monde possible. L'année 1945, dans la brèche ouverte lors de la Seconde guerre mondiale, vit ainsi naître un Vietnam indépendant qui s'est réclamé, lors de son Déclaration d'indépendance lue le 2 septembre par Ho Chi Minh, de celle des Etats-Unis et de la Déclaration des droits de l'homme française. Dans cette communication nous nous proposons d'analyser un moment, l'année 1907 point d'orgue du moment moderniste, et un journal, Đăng cổ tùng báo (Le journal du tambour), le premier en vietnamien publié à Hanoi. La possibilité récente de consulter la collection presque complète de ce journal, pionnier du journalisme vietnamien, permettrait d'analyser son contenu et de mesurer son impact sur la société colonisée de l'époque. Il a joué, en synergie d'ailleurs avec des lettrés modernistes, un rôle essentiel dans la modernisation vietnamienne en couvrant par exemple des actions modernistes et la vie politique locale et régionale, mais aussi en publiant des articles sur des sujets sociétaux d'actualité dont la polygamie et la place de la femme dans la cité. Ce journal a été dirigé par une personnalité du milieu francophone, Nguyễn Văn Vĩnh, qui a démissionné de son poste de secrétaire-interprète à la Mairie de Hanoi et a créé ce journal après avoir vu fonctionner Le Petit Marseillais. Au coeur de la société coloniale indochinoise, est né ainsi un fol espoir