Propriétés structurales et électriques de monocouches auto-assemblées passivantes et isolantes sur germanium

National audienceEn raison de sa mobilité intrinsèque élevée, le germanium (Ge) apparaît comme un matériau alternatif susceptible de remplacer le silicium dans la prochaine génération de transistors à effet de champ à haute mobilité et à haute fréquence. Cependant, contrairement au dioxyde de silicium, l'oxyde de Ge n'est ni stable ni de bonne qualité. Ainsi, la préparation d'une couche interfaciale permettant de passiver et d'isoler la surface du Ge est toujours problématique. Une approche prometteuse consiste à utiliser des monocouches moléculaires auto-assemblées (SAM) [1] à constante diélectrique élevée. Dans cette perspective, le but de ce travail est de concevoir de nouvelles SAM greffées sur Ge présentant des propriétés hautement isolantes et passivantes [2]. Nous avons étudié les SAM de molécules modèles telles que les alkylthiols et les fluoro-alkylthiols, et de nouveaux chromophores push-pull non chargés spécialement synthétisés portant des groupes donneurs et accepteurs d'électrons, séparés par un pont bithiophène π-conjugué qui favorise le transfert d'électrons entraînant la formation d’un dipôle [3]. En effet, en raison de l'alignement des dipôles orientés favorisé par la stratégie de dépôt par SAM, de tels chromophores push-pull se sont avérés former des films isolants hautement polarisables dans la littérature [2]. Nous avons adapté et développé la technique originale de désoxydation / greffage du Ge en solution hydro-alcoolique [4] et montré que, par rapport au traitement acide désoxydant habituel, elle donne des surfaces moins rugueuses et des SAM bien organisées, ce qui est prouvé par les analyses d’ellipsométrie, de mouillabilité, et de microscopie à force atomique (AFM). Le greffage d'alkylthiols et de fluoro-alkylthiols sur Ge a été réalisé directement en une seule étape grâce à l'affinité du soufre avec Ge, alors que pour les chromophores push-pull conçus avec un groupement d'ancrage acide carboxylique, nous avons réalisé un greffage en deux étapes avec liaison amide sur des couches d’accroche à terminaison amine pré-assemblées. Parmi ces dernières, nous avons démontré que les SAM d’aminothiophénol présentent un meilleur arrangement que celles de cystéamine, avec un film mono-moléculaire peu rugueux adapté au greffage des SAM de push-pull ordonnées au-dessus. Des analyses de spectroscopie d'absorption UV-visible ont été réalisées pour sonder les chromophores push-pull en solution afin de déterminer la limite de concentration permettant d'éviter l'agrégation. Les analyses de spectroscopie de photoélectrons X (XPS) et de spectroscopie infrarouge (FTIR) démontrent l'élimination de l'oxyde de la surface du Ge après le processus de formation de la SAM. Des analyses électriques statistiques des différentes SAM sur Ge ont été réalisées en utilisant des contacts GaIn à l’eutectique. Avec de telles SAM de push-pull, nous avons pu réduire le courant d'un facteur 105 par rapport au Ge et 104 par rapport aux SAM de dodécane d'épaisseur similaire. Les résultats ont été analysés par spectroscopie de tension de transition [5] et corrélés avec succès aux analyses spectroscopiques des niveaux moléculaires - en utilisant la spectroscopie de photoémission inverse (IPES) et la détermination de la bande de valence par XPS pour sonder respectivement les orbitales moléculaires inoccupées et occupées - ainsi qu'aux calculs DFT, ce qui nous a permis d’identifier l'orbitale moléculaire occupée la plus élevée comme le niveau impliqué dans le transport électronique à travers la SAM de push-pull. La formation de dipôles a également été mise en évidence dans la SAM. D'autres travaux porteront sur les multicouches de chromophores organiques push-pull alignés pour augmenter le dipôle global des films et améliorer les propriétés diélectriques.[1] A. Ulman, An Introduction to Ultrathin Organic Films, Academic Press (Ed.), Boston (1991)[2] A. Facchetti et al., Adv. Mater. 17, 1705 (2005) ; Y.G. Ha et al., Chem. Mater. 21, 1173 (2009)[3] V. Malytskyi, V. Gadenne, Y. Ksari, L. Patrone, J.M. Raimundo, Tetrahedron 73, 5738 (2017)[4] J.N. Hohman, M. Kim, H.R. Bednar, J.A. Lawrence, P.D. McClanahan, P.S. Weiss, Chem. Sci. 2, 1334 (2011)[5] X. Lefevre et al., J. Phys. Chem. C 119, 5703 (2015