Les Plateaux méridionaux d'Asie du Sud-Est continentale, de la marginalité à l'interconnexion

National audienceLes plateaux d'Asie du Sud-Est continentale existent-ils ? La question ainsi formulée invite à s'interroger sur l'existence d'espaces souvent qualifiés de périphériques ou marginaux selon qu'ils sont observés à l'aune des limites étatiques ou de l'influence des métropoles régionales. Le regard porté en la matière est fondamental : la frontière constitue un a priori discriminant avec comme attribut la limite qui devient alors fondamental pour penser les différences et tenter les rapprochements. La juxtaposition d'informations stato-centrées constituant la grille de lecture initiale rend l'analyse d'une cohérence territoriale transfrontalière délicate. Plutôt que considérer la frontière comme la limite de l'investigation, plaçons-là au centre et tentons d'en saisir ses logiques, d'examiner les intersections fondées sur les différentes, les concurrentes, les convergentes. Les interrelations qui animent les plateaux méridionaux d'Asie du Sud-Est continentale -à l'interface entre le Cambodge, le Viêt Nam et le Laos- contribuent à structurer un territoire dont on trouve les marques dans l'histoire. Le propos de cet article est de retracer les processus territoriaux et les dynamiques sociales en prenant pour hypothèse première l'existence d'une organisation territoriale spécifique à ces plateaux. Aux côtés des analyses territoriales nationales, il serait possible de décrypter des logiques spatiales particulières -ce qui ne signifie pas indépendantes- à cette zone de l'entre-deux. En ré-évaluant la place des plateaux dans la région, il s'agit de mettre en lumière la complexité et la labilité de ses fonctions : tout se passe comme si, aux différentes époques, ses organisations sociale et économique aient été caractérisées par l'échange et qu'elles se distinguent par des circulations, formelles et informelles, bien plus que par les bornes politiques strictes. Distribués sur une centaine de milliers de kilomètres carrés et avec une densité moyenne de seulement 30 habitants (contre environ 110 hab./km² pour les trois pays dans leur ensemble), ces espaces de plateaux sont en marge des villes de dimension régionale (Hô Chi Minh, Phnom Penh, Hué) et locales. En s'appuyant sur des cartes et des schémas structurels des plateaux, on propose de repérer les jalons d'une géographie interfrontalière et transfrontalière à propos de ces territoires en mutation. Cette analyse se décompose en quatre parties dessinant chacune les contours des périodes principales de son histoire : précoloniale, coloniale, postcoloniale et contemporaine