Musica theorica et musica practica : l'art musical du XIIe siècle entre tradition et innovation

Ouvrage dirigé par Michel Balard et Michel SotIntégré au quadrivium dans l'ouvrage encyclopédique de Martianus Capella Des noces de Mercure et de Philologie, l'art musical est perçu tout au long du Moyen Age comme appartenant aux disciplines scientifiques, au même titre que l'arithmétique, la géométrie et l'astronomie. La musique est par nature une science, et doit être appréhendée comme telle, en fonction de rapports numériques qui l'inscrivent dans la tradition pythagoricienne. Cette approche abstraite et intellectualisée de la musique restera prédominante pour la majeure partie de l'époque médiévale. Entre le XIIe et le XIIIe siècles cependant, apparaît une modification sensible du rapport à l'art musical qui, bien que toujours intégré au quadrivium, est de plus en plus souvent perçu en terme de pratique, et non plus seulement de théorie. Des traités, comme le De musica cum tonario de Johannes Cotton, des réformes liturgiques, comme celle des cisterciens, le développement d'une polyphonie libérée du déchant, l'émergence d'une lyrique profane et la mise en place d'une nouvelle notation, témoignent d'une extraordinaire vitalité de l'art musical. Peut-on cependant aborder uniquement l'art musical de cette période sous l'angle de l'innovation technique, et en terme de « renaissance » ? Rien n'est moins sûr, car au-delà d'une approche plus pragmatique du fait musical, ce dernier reste souvent inféodé à ce qui constitue son substrat philosophique : la référence à l'auctoritas antique