Les mythes fondateurs de Rome.: Images et politique dans l'Occident romain

ill. en noir et en coul., cartesAinsi que le soulignait J. Scheid, pour les Romains, le " moment essentiel de l'univers n'était ni la création de l'Olympe, ni celle du monde, mais la fondation de la cité par les hommes et les dieux ". Les mythes fondateurs, plus que tous autres, étaient donc auréolés d'une importance particulière au sein de la civilisation romaine : on révérait le fondateur, dont l'ascendance et la protection divine apparaissaient comme une garantie de prospérité et de puissance. Ainsi, l'image de Romulus et celle d'Énée étaient-elles étroitement liées à l'attachement superstitieux que les Romains portaient à la victoire, et à leur domination sur le monde. Dès lors, cette étude tentera d'établir de quelle manière aristocrates et empereurs d'une part, mais aussi de simples particuliers, qu'ils soient ou non acteurs de la vie politique de leur cité, pouvaient s'approprier les images des fondateurs, selon des desseins que l'on s'attachera à définir. L'ouvrage qu'on va lire porte sur la formation, la diffusion et l'interprétation du corpus iconographique des mythes fondateurs, au sein de la civilisation romaine de la fin de l'époque républicaine et de l'époque impériale. Ce corpus est un objet d'étude d'une immense richesse en raison de sa forte connotation politique, culturelle et littéraire ; une autre de ses qualités réside dans la diversité des types d'images attestés : cycles narratifs, scènes figurées et motifs schématiques. D'autre part, les images des origines de Rome présentent la particularité d'avoir fait l'objet d'une utilisation de caractère politique par les acteurs du pouvoir, mais également d'une diffusion en contexte funéraire et domestique. Autrement dit, l'iconographie des mythes fondateurs est l'objet d'étude idéal dans le cadre de recherches sur la question de la réception et de l'interprétation d'une image publique au sein de la sphère privée. L'approche typologique mise en œuvre au cours de l'étude iconographique permet une analyse inédite de la formation et de la diffusion des images illustrant les primordia Vrbis. Celle-ci révèle en effet comment l'action conjuguée de desseins politiques et de pratiques en usage dans les ateliers contribue à la fixation d'un nombre restreint de schémas iconographiques. Autrement dit, on perçoit, selon les époques et les supports, une prédilection non seulement pour certaines images, mais également pour certaines formules iconographiques. La première partie de l'ouvrage offre une analyse de l'utilisation politique des thèmes au sein de la sphère publique, de l'époque républicaine à la fin de l'époque impériale. Quand Jules César revendique sa filiation avec Énée et Vénus, il ne fait rien d'autre que clamer plus haut et plus fort des prétentions généalogiques qu'il partageait avec d'autres gentes. Nous avons alors montré comment le dictateur s'accaparait un procédé de légitimation généralement dévolu aux familles d'origine plébéienne soucieuses de reconnaissance de la part des gentes patriciennes. Il est en effet apparu que, dès le IIe siècle av. J.-C. l'usage de la filiation mythologique s'avérait être un " expédient ", destiné à ceux qui ne pouvaient se vanter de compter un des grands hommes de la République parmi leurs ancêtres. A la suite de son père adoptif, Auguste sut tirer parti d'un " prétexte " qui permettait de justifier la transmission héréditaire du pouvoir et par là même, l'instauration d'une dynastie. Dès lors, tout au long de l'époque impériale, l'image des Primordia Vrbis connaît une faveur inégale chez les empereurs successifs. Si le phénomène avait déjà été observé, il nous a été donné d'en envisager une explication. A la suite de l'étude chronologique de l'emploi des thèmes au centre du pouvoir, la question de leur réception dans l'espace de la cité provinciale et dans la sphère privée, domestique et funéraire, est envisagée. L'analyse montre dès lors une forme d'imitatio des puissants : les particuliers, ayant déchiffré les circonstances de l'utilisation politique de ces images, en faisaient une utilisation adaptée à leur situation et à leurs ambitions personnelles. Les témoignages montrent, ainsi, que ces images étaient avant tout utilisées comme un instrument de légitimation par des familles soucieuses de gravir les échelons de la hiérarchie sociale. A travers ces images, affranchis, indigènes, nouveaux citoyens affichaient non seulement leur loyalisme envers Rome, mais aussi leurs ambitions