Prendre le droit au sérieux. Pour un autre regard sur l’État, l’action publique (et le développement) en Afrique

Afin d’étudier la mise en œuvre des politiques publiques dans les pays « sous régime d’aide », les travaux apadiens analysent les pratiques des fonctionnaires et les multiples normes, officielles et officieuses, qui guident ces dernières. À la suite de ces travaux, cet article s’intéresse à la mise en œuvre des Codes de la famille à Cotonou (Bénin) et à Dakar (Sénégal). Il insiste sur la centralité du droit dans un contexte où les normes formelles sont souvent considérées comme inopérantes. À Cotonou comme à Dakar, le Code fixe un cadre qui limite la marge de manœuvre des juges de la famille, ce qui rend l’issue des procédures relativement prévisible. Principales cibles des réformes égalitaires du droit de la famille, les femmes le mobilisent régulièrement, ce qui contribue à une reconfiguration des rapports de genre – qu’il s’agisse de définir les termes d’un divorce ou de négocier l’accès aux biens familiaux. Alors que le droit occupe une place toujours plus centrale dans la conception des politiques d’aide et de développement, ces éléments soulignent l’intérêt qu’il y a à étudier davantage le rapport des citoyens et des professionnels à la loi et à la justice sur le continent africain.The anthropology of development is concerned with the implementation of public policies and administrative reforms in countries “under assistance”. Scholars from APAD have mainly focused on the daily practices of civil servants, and the various sets of – official and unofficial – norms guiding these practices. Focusing on the judiciary, and more specifically on the implementation of the Family Codes in Cotonou (Benin) and Dakar (Senegal), this article builds on these studies while insisting on the central place of law in a context where formal norms are usually considered as virtually irrelevant. In Cotonou as in Dakar, the Code sets a framework that limits the discretion of family law judges, rendering their decisions relatively predictable. As the main targets of these reforms, women regularly mobilize the more equalitarian laws, hence redefining gender dynamics within their families – whether the case is about negotiating the terms of a divorce or obtaining access to family property. In a context where the law is becoming increasingly central in the construction of aid and development policies, this article insists on the need to further explore the way both citizens and professionals relate to law and courts on the African continent