Une culture alimentaire protestante dans la France méridionale (XVIe-XVIIIe siècles) ?

Cette contribution tente de déterminer l’existence ou non d’une culture alimentaire protestante dans la France méridionale du XVIe au XVIIIe siècle. Le concept de « confessionnalisation » suffit-il à rendre compter des habitudes alimentaires des protestants ? Malgré la présence de fortes communautés protestantes dans la France du Midi, les sources ne sont guère nombreuses pour appréhender cette question des consommations laissée bien souvent dans l’ombre par l’historiographie du protestantisme et simplement effleurée par les historiens de l’alimentation. En adoptant une approche globale croisant l’étude des discours (sermons, traités religieux, mémoires) et celle des pratiques (dépenses de bouche, inventaires après décès, archives judiciaires), il est possible d’esquisser les contours de cette alimentation protestante, simple terrain d’affrontement théologique ou bien base d’une véritable identité religieuse ? Les écrits de Luther et de Calvin évoquent l’alimentation de manière fugace pour dénoncer surtout les abus des papistes ou faire l’éloge de la sobriété. Une morale alimentaire protestante semble donc être définie dans ce domaine et confirmée par les sermons ou les consistoires. L’étude des pratiques alimentaires témoignent ponctuellement de la volonté de se démarquer des catholiques notamment par la consommation de viande en maigre et de nouvelles formes de jeûne. Cependant, au-delà des discours et des postures, la culture alimentaire des protestants demeure proche de celle des catholiques ; des élites protestantes du Béarn aux paysans des Cévennes, hiérarchie sociale, modes, nuances régionales et goûts personnels restent les éléments déterminants de leur alimentation