Les enjeux de la production de connaissances : essai sur le pouvoir, le savoir et la solidarité féministe

Au coeur de la pensée postmoderne se trouve une critique fondamentale du savoir scientifique et de ses prétentions à incarner la vérité universelle. Ces prétentions entraînent la disqualification des discours non légitimés par la science et des interprétations que les acteurs sociaux font de la réalité. Les chercheurs postmodernes comme Michel Foucault s’opposent vigoureusement à ces effets de pouvoir propres à tout « discours vrai », qui entraînent de plus des conséquences imprévisibles dans divers contextes de pratiques sociales. Selon l’argumentation de cet article, une catégorie de discours féministe en sciences sociales produit lui-même de tels effets de pouvoir lorsqu’il représente « les femmes » comme universellement opprimées, notamment dans le cas des femmes du Tiers-Monde et du développement international. Afin de réagir contre ces effets, il est nécessaire de faire appel à une autre conception de la solidarité et de réorienter pragmatiquement la production de connaissances vers un régime de vérité différent, plus satisfaisant.Postmodern thinking is characterized by a fondamental critic of scientific knowledge and of its pretensions to embody universal thruth. Indeed, these pretensions provoke the disqualification of discourses which are not legitimated by science, notably those which are the products of the many interpretations of lay social actors. Postmodern thinkers like Michel Foucault take a vigourous stand against the power effects inherent to any “true discourse” which have moreover impredictable consequences on various fields of social practices. This paper argues that a certain type of feminist discourse in social sciences produces such effects when it represents “women” as being universally oppressed, particularly in the case of Third World women and international development. In order to react against those power effects, a different conception of solidarity must be used and the production of knowledge must be reoriented pragmatically towards an other, more satisfaying, regime of truth