Filmer le travail, les travailleuses et les travailleurs dans les usines Renault de l’entre-deux-guerres

L'entreprise automobile Renault offre le cas d’une grande usine emblématique de la seconde révolution industrielle française. En 1920, 1930 et 1934, la firme a choisi de présenter sa réussite industrielle en faisant réaliser des documentaires cinématographiques. Ils nous fournissent des images exceptionnelles de l’intérieur des ateliers et donnent à voir une part du travail qui s’y réalisait. Mais ces récits visent d’abord à raconter l’histoire extraordinaire de l’essor d’un petit constructeur et à expliquer les étapes de la fabrication d’une automobile. Nous proposons d’exploiter et de questionner ces discours de représentation qui ont utilisé – entre autres – les « preuves » cinématographiques pour promouvoir – à des moments bien précis – l’image industrielle de l’entreprise. Une relecture de ces mêmes films nous permet de faire apparaître les modifications considérables des dispositifs techniques de l’usine à Boulogne-Billancourt en même temps que les changements importants dans la façon de représenter cinématographiquement le travail industriel. L’analyse méthodique des montages documentaires met en lumière le fait qu’ils développent une conception additive du travail industriel, la production d’une voiture se résumant à l’assemblage successif des multiples éléments qui la composent. Mais l’observation minutieuse des décors et la lecture contextualisée des images montrent que, dans l’industrie automobile, le travail ne s’est pas limité au montage de sous-ensembles mécaniques sur une ligne fordienne de production.Michel Alain-Pierre. Filmer le travail, les travailleuses et les travailleurs dans les usines Renault de l’entre-deux-guerres. In: Le travail en représentations. Actes du 127e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, « Le travail et les hommes », Nancy, 2002. Paris : Editions du CTHS, 2005. pp. 131-150. (Actes du Congrès national des sociétés savantes, 127