Mettre au monde Sages-femmes et accouchées en Corrèze au XIX e siècle

In the eighteenth century, the enlightened public opinion was moved by what they called the great “Massacre of the Innocents” perpetrated by untrained midwives. From the 1760s onwards and during the nineteenth century, the French State worked continuously to provide the country with an increasing number of trained and certified midwives. By reforming the old “Office des Accouchées” and creating in 1802 the Hospice de la Maternité of Paris, Chaptal, ministry of Home Affairs, completed the larger reform of medical studies and exercice, prepared during the Revolutionary Era and finally approved in 1803. Nevertheless, founding a prestigious but Parisian establishment could only be the first step towards a more extended instruction, organised on a smaller scale.The regional midwifery schools developed during the first third of the 19th century. The example of the midwifery school of Tulle, founded in 1834 at a time when the rhythm of foundation started to decrease, allows us to describe the training of French midwives from a provincial point of view. The maternity hospital at the very heart of this establishment underlines the strong links between theoretical and practical training in obstetrics. The study of this institution stands at the crossroads of several research fields: history of birth, women history and history of medicalisation. With all the historiographical background, we intend to shed some light on a profession, the midwives, and its practice that goes far beyond the fields mentioned. Corrèze, an archetypal rural, poor and landlocked region, is a particularly interesting place for all these reasons. Studying a symbol of modernity in a backward country is a stimulating paradox to start our research.Le XVIIIe siècle éclairé s’est ému du « grand massacre des innocents » perpétré par des matrones sans principe. À partir des années 1760 et tout au long du siècle suivant, l’État s’attache, sans solution de continuité, à offrir au pays un nombre croissant de sages-femmes formées selon les références de l’obstétrique contemporaine. La création en 1802 de l’Hospice de la Maternité de Paris sous l’égide de Chaptal, ministre de l’Intérieur, s’insère dans le mouvement de réforme complète des études médicales entrepris par Napoléon. Néanmoins cette étape primordiale de fondation d’un établissement prestigieux mais parisien ne constitue que la base d’un édifice démultiplié à des échelles inférieures.Les écoles départementales d’accouchement, qui naissent de maternités ou en déterminent la mise en place, se développent pendant le premier tiers du XIXe siècle. L’exemple de l’école d’accouchement de Tulle, fondée en 1834 à une date où les créations se raréfient, permet d’aborder par l’angle provincial les modalités de la formation des sages-femmes françaises à cette période. La maternité qui s’inscrit au cœur même de cet établissement souligne l’imbrication forte des structures théorique et pratique dans la pédagogie obstétricale. L’étude de cette institution se place à la croisée de plusieurs recherches, à mi-chemin d’une historiographie foisonnante et de champs à défricher. L’histoire de la naissance, l’histoire des femmes ou l’histoire de la médicalisation ont déjà donné lieu à de multiples travaux. Il n’est pas question ici d’en faire la synthèse, mais de s’appuyer sur les acquis de nos prédécesseurs pour éclairer une profession et son cadre d’exercice qui dépasse largement les domaines évoqués. La Corrèze, archétype du département rural, pauvre et enclavé, se révèle, pour toutes ces raisons, un espace particulièrement intéressant. Étudier un symbole de modernité en pays d’arriération constitue à ce titre un stimulant paradoxe à la base de notre recherche